Dans son dernier article de l’hebdomadaire The Nation, Noam Chomsky sélectionne les faits qui corroborent son récit préféré, tout en ignorant et en déguisant des détails pertinents qui contredisent sa thèse. On pourrait attendre d’un universitaire de la stature de Chomsky d’être à un niveau bien supérieur d’intégrité intellectuelle.
Passer en revue la dernière critique du mouvement BDS de Chomsky révèle que le linguiste du MIT frise la supercherie. Il est particulièrement fascinant d’examiner les tactiques de Chomsky à la lumière des violences actuelles en Israël/Palestine.
Chomsky écrit que « l’appel initial du mouvement BDS, lancé par un groupe d’intellectuels palestiniens en 2005, réclamait qu’Israël se conforme entièrement aux lois internationales en (1) mettant fin à son occupation et à sa colonisation de toutes les terres arabes occupées en juin 1967 et en démantelant le mur de séparation ».
C’est tout simplement faux. En juillet 2005 l’objectif premier du mouvement BDS sonnait de manière quelque peu différente – « (1) mettant fin à son occupation et à sa colonisation de toutes les terres arabes et en démantelant le mur de séparation ».
En 2005 le premier objectif du mouvement BDS n’incluait aucune référence à 1967 comme le suggère Noam Chomsky. Il exprimait une opposition à l’occupation israélienne du territoire entier de la Palestine historique. Cet objectif était très perturbant pour les juifs et particulièrement pénible pour la gauche juive. Selon eux, la signification était évidente ; elle impliquait que le projet sioniste était un pur et simple vol de terres. Ensuite, à une date inconnue autour de 2010 et sans aucun protocole suggérant une décision formelle, l’objectif muta comme par magie et les mots « occupées en juin 1967 » furent ajoutés.
Les tentatives visant à découvrir qui, au sein du mouvement BDS, a effectué ce changement n’ont rien révélé. Nous savons, cependant, que ce changement venait à la suite de pressions grandissantes de juifs antisionistes au sein du mouvement BDS. Nous savons aussi que cette modification se produisit lorsque le mouvement BDS devint dépendant des fonds européens et des financiers de Wall Street tels que George Soros. J’aimerais croire que Chomsky, un chercheur méticuleux qui ne laisse passer aucun détail, est bien conscient de ce changement dans l’énoncé des objectifs du mouvement BDS. Malgré tout, il est aussi possible que j’aie entièrement tort et que Chomsky ne fût pas conscient de la saga du mouvement BDS au moment où il écrivait cet article.
Mais quelle est vraiment la différence entre l’objectif originel du mouvement BDS datant de 2005 qui appelait à mettre fin à l’occupation de « toutes les terres arabes » et l’appel modifié qui spécifiait l’opposition uniquement aux terres occupées en 1967 ?
La réponse est claire. Le mouvement BDS était initialement un outil politique fort visant à délégitimer Israël, mais il est à présent devenu un instrument de la gauche juive servant à légitimer l’existence de l’État réservé aux juifs. Le récent succès considérable du mouvement BDS à organiser un boycott des produits venant des colonies prouve ce point. En ciblant les colonies, il légitime implicitement l’État juif pré-1967 conformément à la perception sioniste de la gauche selon laquelle le fond du problème arabo-israélien découle de « l’occupation ». Le message de la gauche israélienne est aussi simple qu’il est faux : une fois que l’occupation prendra fin, la paix l’emportera. Mais est-ce véritablement le cas ? Comme il est montré ci-dessous, les événements récents en Israël/Palestine prouvent le contraire. Les violents affrontements entre les forces armées israéliennes et les citoyens israéliens arabes cette semaine se trouvent bien dans les frontières de l’Israël pré-1967.
Il apparaît que le succès des « antisionistes » juifs à soumettre le mouvement BDS ont servi à augmenter l’appétit des groupes réservés aux juifs. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils demandent davantage de concessions aux Palestiniens. Dans son article de The Nation, Chomsky a simplement poursuivi un tel but. Il a critiqué le troisième objectif du mouvement BDS : « (3) Respecter, protéger et promouvoir les droits des réfugiés palestiniens de retourner dans leurs maisons et propriétés comme le stipule la résolution 194 des Nations Unies. »
Il faut reconnaître que le troisième objectif du mouvement BDS est particulièrement faible. Il « respecte », « protège » et « promeut » les droits des réfugiés palestiniens à retourner chez eux. Si j’étais un réfugié palestinien vivant dans un camp depuis plus de six décennies, j’attendrais du mouvement BDS qu’il exige mon absolu et éthique « droit au retour » sur ma terre au lieu de le « respecter » et de le « promouvoir » de manière faiblarde.
Chomsky, cependant, défend l’objectif opposé. Il dit aux Palestiniens : oubliez votre droit au retour, passez à autre chose. Dans son article de The Nation, Chomsky recommande au mouvement BDS d’abolir le troisième objectif.
« Toute insistance sur le troisième point est une quasi-garantie de l’échec… cela pourrait mener à “une solution sans État” – la solution optimale de mon point de vue, et dans le monde réel pas moins plausible que la “solution à un État” qui est couramment, mais par erreur, considérée comme une alternative au consensus international. »
Pour clarifier ce qui est délibérément rendu obscur, Noam Chomsky conseille aux Palestiniens d’abandonner le cœur de leur cause. Et pourquoi ? À cause d’un soi-disant « consensus international ».
Cette obsession avec le « légalisme », la « loi internationale » et le « consensus » tout en ignorant l’éthique, la moralité et la justice est typique de la pensée matérialiste inhérente à la gauche et aux écoles de pensée progressistes. Il s’agit, encore une fois, du commissaire du peuple défendant la « bonne action » politique au lieu d’adopter un discours humaniste motivé par un authentique sens de la justice et de l’honnêté.
Nous devrions rappeler à Chomsky, le maître du détail, qu’Israël détient actuellement le record mondial de l’ignorance des lois internationales, du rejet des droits de l’homme et du mépris des résolutions de l’ONU. Israël choisit à la place de dépenser son énergie à acheter l’influence politique de l’occident grâce à ses lobbies puissants. Et sans surprise, le même Chomsky qui recommande maintenant que les Palestiniens abandonnent leurs aspirations au retour était aussi le premier à critiquer le travail de Walt et Mearsheimer sur le lobby israélien et son immense influence.
Le message aux activistes occidentaux pro-palestiniens qui ont passé des années à construire un dialogue avec la gauche juive est simple et accablant : vous avez couché avec les mauvaises personnes. Votre confiance en la gauche juive a tué votre résistance et semble avoir tué ce qu’il reste de votre cause. Chomsky, d’un autre côté, peut ne pas être l’esprit pointu que certains pensent qu’il est, mais il est au moins consacré à sa cause – Chomsky est légèrement sioniste par aveu. Il promeut et opère au sein de cellules politique réservées aux juifs. Chomsky est cohérent. Cependant, les Palestiniens qui ont fait appel à son soutien pendant des années ont été dupés et poussés à trahir leur propre cause et les intérêts de leur peuple.
Les événements récents en Israël et en Palestine prouvent sans aucun doute que le paradigme de la gauche sioniste a été une tromperie absolue. Les affrontements de cette semaine ont lieu à l’intérieur du territoire israélien à Jérusalem, en Galilée et dans le Negev, pas dans les territoires occupés, et cette violence a peu à voir avec « l’occupation ».
Le romancier palestinien primé Sayed Kashua, probablement le meilleur écrivain en hébreu et pendant de nombreuses années un symbole de la coexistence arabes/israéliens, a exprimé cette réussite mieux que quiconque. Kashua a conclu la semaine dernière que cette coexistence est « un mensonge ». Suite aux appels à la vengeance sanguinaires venant de tous les coins de la société israélienne, Kashua écrivit à propos de la perspective continue de vivre ensemble : « C’est vraiment la fin, c’est terminé. » Pour Kashua, un Palestinien israélien, la deuxième Nakba se déroule maintenant, il veut quitter Jérusalem et ne plus jamais revenir. Il a été nettoyé ethniquement par l’État juif.
Le verdict est clair. L’occupation n’est pas le problème ; c’est juste un symptôme du problème. L’État juif est un problème et un sérieux problème. Le lobby juif est un problème encore plus grand et un problème mondial. Et il semble que même la gauche juive à la Chomsky soit aussi un grave problème. À tout le moins, elle aura été un obstacle qui a empêché les Palestiniens de saisir le vrai contexte de leur lutte.