Nous sommes à trente kilomètres de Vichy, en plein centre de la France. Fin octobre, la commune de Varennes-sur-Allier a reçu de nouveaux habitants. 200 migrants expulsés du lycée Jean Quarré dans le XIXe arrondissement de Paris ont été installés sur l’ancienne base aérienne de la ville, reconvertie pour l’occasion en centre d’hébergement d’urgence.
Varennes-sur-Allier est une petite ville de 3 600 habitants. Les petits pavillons côtoient les champs où paissent les vaches, non loin des grandes surfaces. Trois supermarchés qui ont affecté les petits commerces du centre, pour l’essentiel des bars et des cafés. Jadis, Varennes-sur-Allier était une ville dynamique. C’était avant que la base aérienne ne ferme définitivement au mois d’août dernier. La population a baissé de 800 personnes en 5 ans, soit un quart des habitants. Et les locaux de l’armée, qui appartiennent à l’État, ont été réquisitionnés pour y loger les réfugiés. Dans les anciens dortoirs des soldats logent désormais des migrants, venus d’Afrique subsaharienne.
Dans l’ensemble, les habitants de la ville ne sont pas hostiles aux nouveaux venus. Aucune violence n’est à déplorer. A part le vol d’une bouteille de whisky au Casino du coin, aucun incident notable n’a été signalé. L’extrême droite a bien essayé de mobiliser la population, distribuant des tracts alertant à l’« invasion » sur le marché, sans succès. Une manifestation de soutien aux réfugiés a même eu lieu. « Il faut bien que nos impôts servent à quelque chose. Certains habitants râlent, mais on est moins à plaindre que ces pauvres gens », témoigne Henri, le fromager.
Bernard n’est pas de son avis. Au Cocorico, le bar qui trône sur la place principale, et où les rares clients ne se gènent pas pour fumer avec le patron, ce retraité affiche ses opinions : « Ce n’est pas leur présence qui me dérange, ils ne font rien de mal, mais c’est l’injustice. Ils sont logés et nourris alors que moi je gagne 980 euros par mois. Si on était riches, je ne dis pas. J’accueillerais avec plaisir une femme avec ses enfants chez moi, mais là, il n’y a que des hommes ».
À n’en pas douter, les migrants sont mieux ici que dans les locaux insalubres du lycée désaffecté du XIXe. À deux par chambre, avec douche. Ils sont libres de leurs allées et venues. Mohamed Ali et ses deux amis, Salhi et Mohamed, tous trois Érythréens, traînent dans la ville. Ils regardent des matchs de foot sur leurs téléphones portables. Ils supportent l’Italie, l’Érythrée étant une ancienne colonie italienne. Deux jeunes de 26 ans, également érythréens, se baladent eux dans le supermarché pour tuer le temps. Venus par bateau pour fuir la dictature, ils disent vouloir rester en France, mais pas ici, plutôt « dans une grande ville ». « Ici, ils nous regardent tous dans la rue. Mais ils s’habitueront », déclare l’un d’eux.
« On ne nous a rien demandé, on ne les a pas choisis »
Le maire divers droite Roger Litaudon, qui a remplacé en 2014 un édile communiste présent depuis 25 ans, affiche sa bonne volonté. Il souligne les efforts déjà entrepris par sa commune : « En fin d’année dernière, nous avons installé avec l’aide du Centre d’accueil de demandeurs d’asile en France sept familles de réfugiés sur la commune, soit 35 personnes, 1% de la population, ce qui me paraît un chiffre raisonnable. Elles sont plutôt bien intégrées et veulent vraiment obtenir des papiers. ». Mais, face à l’afflux migratoire, le président de la République et le ministre de l’Intérieur ont fait l’inventaire des sites appartenant à l’État.