Le Professeur Robert Faurisson s’est vu étonnamment réhabilité par la Charente Libre qui, dans un élan d’honnêteté intellectuelle rare dans la profession, a reconnu que les chiffres de l’historien (notez le qualificatif) avaient, cette fois précise le courageux journaliste, été validés (par qui ?, serions-nous tentés de demander. Fernand Nathan ?).
Henri Amouroux s’était déjà abondamment inspiré du Professeur quand il avait abordé le sujet dans le volume 8 de "La Grande Histoire des Français sous l’Occupation". Pourtant, nul remerciement à l’attention de M. Faurisson ne figurait dans la longue liste des 575 personnes remerciées en fin d’ouvrage...
Article de la Charente Libre
Pendant deux mois, à partir de la mi-juin 1944, les maquis ont procédé à des exécutions sommaires. Une épuration avant l’épuration. Période trouble qu’entourent encore de nombreux silences.
« J’avais eu un copain surnommé Capitaine coupe-coupe, à cause des exécutions. Est-ce que c’était juste ? Je ne sais pas. » 70 ans après la fin des maquis, la Libération et l’épuration qui a suivi, Guy Hontarrède, historien, fils de chef de maquis, spécialiste de cette période trouble entre guerre et retour à une paix fragile, n’a toujours pas trouvé de réponses aux questions lancinantes qui ont occupé son quotidien et les pages de ses ouvrages.
Après la Libération, un Charentais sur 190 a été inquiété à l’épuration. « En France, c’était un sur 115. 60 % des dossiers ont été classés sans suite », rappelle-t-il. Mais dès le 15 juin 1944, au lendemain du débarquement allié en Normandie, les exécutions de miliciens et de collabos se sont multipliées. En particulier dans le secteur de Chabanais, où était fortement implanté le maquis Bernard. Du nom du colonel Bernard, alias Bernard Lelay, typographe à l’Humanité et réfugié en Charente.
L’épuration avant l’épuration
À Ruelle, dans les cahiers de Guy Hontarrède et les documents, parfois récupérés jusqu’en Allemagne, qu’il a confiés aux archives départementales, il y a des noms, des faits. Des horreurs, parfois : « des exécutions sommaires ». Guy Hontarrède en a recensé une centaine. C’est aussi à peu de chose près la liste établie par l’historien négationniste Robert Faurisson, dont, cette fois, les chiffres ont été validés. (NDLR : souligné par nous)
Henri Amouroux les a repris dans son Histoire des Français sous l’occupation. « J’ai vérifié dans les archives de l’État civil. C’est exact », appuie José Délias qui a consacré plusieurs ouvrages aux combats de Chabanais et au maquis de Pressac, là où le maquis du colonel Bernard avait établi son quartier général, au château de Saint-Quentin-sur-Charente, « là où ont eu lieu la plupart des exécutions ». Dans l’ouvrage que l’historien local vient de lui consacrer, Jean Dupuis, le seul rescapé de la bataille de Chabanais et unique survivant du maquis de Pressac, le reconnaît, lui aussi. « Il n’a vu que ce qu’il a vu, mais il a vu des gens arriver et ne pas repartir », rappelle José Délias.
Une longue liste de fusillés pour une courte période, sombre, de l’histoire de la Libération. Des paysans, des commerçants, des ouvriers, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux. Tous arrêtés à Chabanais et dans les villages du secteur. Certaines histoires ont marqué les esprits. Comme celle des sept agriculteurs de Couture, ou de Françoise Armagnac, convaincue d’être membre de la milice et fusillée le lendemain de sa noce, en robe de mariée, le 5 juillet. Le même jour, le secrétaire de mairie de Chabanais est arrêté, pour être tué deux jours plus tard.
Le 10 juillet, c’est au tour du maire de Maisonnais-sur-Tardoire, à la limite de la Haute-Vienne, accusé de dénonciation... Guy Hontarrède se souvient de Saint-Vallier et du « fort soupçon » de trahison. « Trois coups de mitraillette, la femme enceinte descendue, la fillette descendue ».Ou encore du « curé de Saint-Front, réfugié lorrain et soupçonné à cause de son accent, fusillé au camp de Cherves-Châtelard ».
Des exécutions attribuées aux maquis
« Tous les mouvements de résistance et tous les maquis ont procédé à des exécutions sommaires. Leur nombre est particulièrement important au PC du maquis Francs-tireurs et partisans [FTP, ndlr] Bernard à Pressac », notent Jacques Baudet et Hugues Marquis dans La Charente dans la guerre 1939-1945. Une centaine d’exécutions attribuées au maquis de Pressac. Une trentaine au maquis de Chabannes, dit « Bir-Hakeim », gaulliste et socialiste, implanté dans le secteur de Chasseneuil. « Sans doute parce que dans le secteur de Chabanais, l’histoire explique bien des choses », souligne José Délias.
Une fracture qui remonte aux années 1930, celles des ligues, quand il y avait un club de foot d’extrême droite et un autre communiste, deux fanfares et deux défilés du 11 novembre. Et une ligne de fracture infranchissable, constituée d’une poche très droitière au beau milieu d’une « ceinture rouge », qui s’étendait alors jusqu’à Saint-Junien. Entre la milice et les FTP communistes, « il est clair qu’il y a eu des règlements de compte, même si Augustin Raoux, le juge de paix de Pressac, disait, lui, que les gens le méritaient ».
L’historien le concède. « Il y en a qui méritaient qu’on s’intéresse à eux : miliciens, collabos.Mais, aujourd’hui encore, les gens s’interrogent sur l’exécution des frères Devoyon, menuisiers, parce qu’ils avaient mal fait le cerceuil d’un résistant de Chabanais. D’autres encore n’avaient pour preuve que la dénonciation. » Le rythme des exécutions ne ralentit que le 14 juillet, « quand le colonel Bernard a pris la tête du maquis ». Mais dans le pays, les cicatrices affleurent encore. « Quand ils connaissent, les gens en parlent un peu plus facilement. Même ceux qui ont 50 ou 60 ans aujourd’hui, confie José Délias. Cela a vraiment marqué les esprits. »
Pourtant, « les vrais maquisards n’ont pas beaucoup parlé. Jean Dupuis, a attendu 40 ans, après la mort de sa femme, pour raconter cette histoire. Beaucoup sont restés humbles ». Ou pas toujours très fiers « de ces actions qui ont parfois éclipsé les faits d’armes des maquis, les sabotages et les actions d’éclat, la gendarmerie, la bataille de Chabanais ». Les cicatrices sont parfois béantes. « Des familles de gens exécutés m’ont contacté, voulu défendre leur mémoire, sans vraiment beaucoup de preuves. Beaucoup n’ont pas oublié et n’oublieront jamais. » À l’image de cette institutrice. « Elle mourra avec la haine entre les dents. »