Le problème posé par l’introduction d’un « Droit Humanitaire » dans le contexte du droit International est considérable. Cela se révèle par la relation conflictuelle que ce nouveau droit entretient avec la notion de souveraineté. Cette dernière constitue la clé de voûte de la charte des Nations Unies et de la déclaration des Droits de l’Homme adoptée par l’ONU. Or, elle deviendrait contestable au nom d’un Droit Naturel dont découleraient les Droits de l’Homme. C’est ce qui fonderait et justifierait l’injonction d’ingérence humanitaire, position que soutient Mario Bettati [1].
La conscience morale ne fait pas nécessairement une bonne politique.
Nous ne nions pas le fait que certaines situations parfaitement révoltantes ont, depuis la création des Nations Unies, ému les consciences à l’échelle du globe. De cette émotion est née la démarche qui a fait passer l’action humanitaire, entendue comme un engagement moral individuel, à l’émergence d’une doctrine que l’on qualifiera d’humanitariste qui se veut une relecture normative des principes du droit international [2]. Le problème cependant est de savoir si l’innovation radicale qu’introduirait un « Droit Humanitaire » compris non pas comme une obligation morale mais comme un statut juridiquement fondé devant lequel les souverainetés nationales devraient plier est une solution efficace en ceci qu’elle permettrait de créer de la norme et des institutions évitant que se reproduisent les situations révoltantes.
L’expérience montre que les ingérences humanitaires peuvent engendrer des effets nocifs aussi importants que les maux auxquels elles entendaient remédier [3]. Par ailleurs, le caractère purement « humanitaire » de certaines opérations est souvent discutable. Des intérêts d’États peuvent souvent se servir du discours des « humanitaires ». Le passage de l’action humanitaire à une doctrine humanitariste ne fait que renforcer le problème qui naît de cette collusion originelle entre la raison d’État et les « bons sentiments » [4]. Tel avait été le cas au Kosovo en 1999. L’engagement de Bernard Kouchner dans l’administration provisoire du Kosovo par l’ONU est ici symptomatique, tout comme le fut le soutien que ce personnage apporta à l’intervention américaine en Irak en 2003. Ce fut à l’évidence la cas à nouveau en Libye, où l’intervention occidentale a conduit à la fragmentation du pays et à un chaos sanglant. On voit désormais dans quelle situation nous serions aujourd’hui en Syrie si l’on avait suivi les « bonnes âmes » qui appelaient à l’intervention. De fait, une partie de l’armement livré a abouti dans les mains des pires extrémistes. Cela devrait servir de leçon.
La question du statut politique, juridique et moral du « Droit Humanitaire » apparaît donc comme l’une des questions posées par le passage du XXè au XXIè siécle. En fait, le problème de la justification d’un possible « Droit Humanitaire », fondateur d’une « Droit d’ingérence », peut être envisagé à travers deux questions, différentes dans leur formulation, mais convergentes dans leurs implications.
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