La guerre des tunnels
Dans l’histoire militaire, les tunnels ont joué un rôle non négligeable. Œuvre de fourmis humaines, ils ont permis de surprendre l’adversaire là où il croyait occuper le terrain. Ainsi, les Français ont-ils – en partie – perdu la bataille de Diên Biên Phu en 1954 ; les Israéliens se sont heurtés à un Hezbollah fantôme au Liban en 2006, et les djihadistes se sont incrustés en Syrie depuis 2011. Mais c’est en avril 1917 que le tunnel devient, du fait de la guerre de positions, un instrument tactique et presque stratégique.
Presque tombés dans l’oubli, plus de 20 km de tunnels creusés sous la ville d’Arras font ces jours-ci un retour en force dans la mémoire collective. C’est de cet entrelacs qu’ont surgi quelque 24 000 soldats de l’empire britannique pour une offensive surprise à l’aube du 9 avril 1917. Un atout-maître.
Plus de six mois auront été nécessaires aux troupes de Sa Majesté pour préparer cette bataille sanglante de grande ampleur s’étalant jusqu’au 16 mai 1917 et dont le déclenchement devait divertir l’ennemi pour préparer, plus au sud, l’attaque française principale du Chemin des Dames sept jours plus tard (16 avril-24 octobre 1917).
À partir d’avril 1916 et alors que le conflit s’enlise, les troupes britanniques prennent le relais des Français à Arras. Situé à quelques encablures de la ligne de front, la ville, dévastée à 80% par les bombardements, le chef-lieu du Pas-de-Calais n’abrite plus que quelque 1 200 civils.
« Les Britanniques ont l’idée d’utiliser les carrières arrageoises, creusées dans les entrailles de la cité à partir du Moyen Age pour en extraire craies et pierres de construction, et les relier entre elles pour y cantonner des milliers de soldats », explique Pascal Loosflet, guide conférencier de l’office de tourisme d’Arras.
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Immense gruyère
Pour ce faire, 400 tunneliers néo-Zélandais s’attelleront jour et nuit pendant six mois à créer cette « ville sous la ville », à 20 mètres de profondeur.
« Ne pouvant recourir aux explosifs pour ne pas éveiller les soupçons des Allemands, ils n’utiliseront que des pioches et garderont le remblai sous terre afin d’éviter de s’exposer à d’éventuelles photos aériennes », poursuit le guide.
L’immense gruyère de galeries souterraines sera terminé tout début avril. Équipées d’électricité, d’eau courante, d’un hôpital de campagne, de cuisines ou encore de latrines, elles permettront à quelque 24 000 soldats, sur les 400 000 mobilisés durant la bataille d’Arras, de se changer les idées...
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L’attaque éclair du 9 avril 1917 connaîtra un franc succès, obligeant l’ennemi à se replier de plusieurs km avant l’arrivée de renforts qui freineront l’avancée britannique.