Deux ans après l’attaque meurtrière au camion, Cindy Pellegrini, qui a perdu six membres de sa famille, confie combien son traumatisme reste présent au quotidien.
Cindy Pellegrini a 36 ans. Le 14 juillet 2016, sa famille a été décimée par l’attaque au camion. Cette juriste de formation a perdu six proches : son frère Michaël (28 ans), sa maman Véronique (55 ans), ses grands-parents Christiane et François (78 et 82 ans), et les parents de son beau-père Gisèle et Germain (63 et 68 ans). Pendant que sa famille était sur la promenade des Anglais pour assister au feu d’artifice, elle était chez elle en Lorraine.
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Que ressentez-vous envers celui qui a causé la perte de votre famille ?
C’est peut-être banal de dire cela, mais j’ai tellement de peine que je n’ai pas de place pour la haine. Je n’ai pas le temps d’y penser. J’ai perdu tellement de personnes, que je pense sans cesse à elles. Ce qui revient à chaque fois, c’est : « Pourquoi nous ? Pourquoi six personnes de la même famille ? » Je me pose ces questions, mais j’ai une réponse. Nous étions une famille très soudée, on faisait tout ensemble. J’étais avec eux à Nice, la semaine précédente… On dit que le temps apaise les choses mais ce n’est pas vrai. Le manque grandit, il devient de plus en plus important.
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Psychologiquement, pour surmonter le choc, comment avez-vous été accompagnée ?
L’aide médicale n’a pas été nécessaire, elle a été indispensable. J’ai notamment suivi la méthode EMDR (NDLR : en anglais, Eye movement desentization and reprocessing, à savoir une désensibilisation par les mouvements oculaires), une thérapie douce en état de semi-hypnose, qui a très bien fonctionné sur moi. Cela m’a permis de débloquer certaines choses que je ne faisais plus. Je ne pouvais plus conduire, je ne pouvais plus monter dans ma chambre. Je rêve beaucoup d’eux, ce ne sont pas des cauchemars car le cauchemar, lui, reste éveillé, au quotidien.
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Très rapidement après le drame, vous vous êtes engagée au sein de l’association Promenade des Anges, avant de la quitter début 2018 pour en créer une autre, Mémorial des Anges. Pourquoi ?
Dans ce type d’attaque de masse, et c’est là le problème, on ne peut pas être en adéquation avec tout le monde. Entre victimes, nous n’avons pas les mêmes attentes car nous avons des histoires différentes. Avec mon amie Anne Murris (NDLR : qui a perdu sa fille Camille dans l’attentat), nous souhaitons nous investir dans le devoir de mémoire. Notre nouvelle association a pour projet un mémorial-musée. Ce serait un centre de mémoire et de lutte contre la radicalisation inspiré de celui du 11 septembre à New York. Il y aurait plusieurs salles, dont une consacrée aux portraits des victimes. Et surtout il s’agit d’en faire un lieu d’études, pour des colloques internationaux sur le sujet, puisque aucun lieu de ce type n’existe actuellement.