Alors que le projet de loi sur la formation professionnelle est discuté en procédure accélérée à l’Assemblée, le service régional de contrôle d’Ile-de-France a saisi la justice d’une énorme escroquerie présumée à la formation professionnelle. Selon nos calculs, quarante millions d’euros ont été détournés entre 2007 et 2012 en Ile-de-France. Trois mois après le signalement, le parquet de Paris n’a toujours pas réagi.
Soixante-sept organismes de formation suspects ; près de quarante millions d’euros d’argent public potentiellement détournés entre 2007 et 2012 ; des milliers de formations bidons, de conventions signées à blanc, de faux émargements, de fausses factures… À l’heure où les députés discutent en procédure accélérée du projet de loi sur la formation professionnelle, nouvelle arme antichômage du gouvernement, un énième scandale de détournement massif de fonds publics pourrait éclabousser un secteur connu pour son opacité, et où les arnaques en tout genre sont légion faute de moyens de contrôle suffisants.
Dans un signalement que s’est procuré Mediapart, le service régional de contrôle (SRC) de la formation professionnelle d’Île-de-France a saisi, le 8 novembre dernier, le pôle financier du parquet de Paris pour l’informer d’une vaste escroquerie présumée en bande organisée, assortie de faux et usage de faux ainsi que de fraude fiscale. Les agents du SRC (contrôleurs ou inspecteurs du travail) ont agi après une série de contrôles portant sur une centaine d’organismes de formation franciliens, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale obligeant tout fonctionnaire qui « acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit d’en donner avis sans délai au procureur de la République ».
Dans leur rapport, ils détaillent « une fraude organisée en réseau par mutualisation de locaux et de salariés ». Baptisée « ABC », des initiales des trois gérants du premier sous-réseau identifié (Azoulay, Benhamou, Coriatt), elle mêle formations fictives et fausses factures. [...]
Tous les stratagèmes sont bons pour tromper la vigilance de l’administration. Même les plus grossiers. Certains n’hésitent pas à déclarer des sous-traitants formateurs à leur insu en se procurant leur CV sur Internet ou via d’autres organismes complices. Les organismes CRCE et ORFP, coquilles vides domiciliées à la même adresse avec six autres structures, en ont fait une spécialité. Leur enregistrement en tant qu’organisme de formation a été facilité par Jason Benhamou, un jeune loup déjà à la tête de deux organismes de formation, BC Consult et JB consulting, qui possède à 28 ans trois véhicules de luxe d’une valeur de 120 000 euros. Les clients de CRCE et ORPF se trouvaient être son père et sa mère pour l’obtention de la DA, la déclaration d’activité.