french.irib.ir – Monsieur Alain Soral, vous êtes sociologue français, président d’Égalité et Réconciliation. Je vous remercie infiniment d’avoir eu la gentillesse d’accorder cet entretien à la radio francophone iranienne. Monsieur Soral, le secrétaire du Conseil Suprême de la Sécurité Nationale iranienne, monsieur Saïd Jalili, s’est rendu à Damas, capitale syrienne, où il a rencontré le président Bachar el-Assad. Bon, il est arrivé à Damas en provenance du Liban. Comment analysez-vous cette visite à Damas de ce haut responsable iranien et sa rencontre avec le président syrien ?
Alain Soral – Ça permet de comprendre, chaque jour un peu plus, qu’il ne s’agit pas dans la région d’une révolte populaire contre un régime dictatorial, comme on a essayé de nous le présenter depuis le début.
Bien que maintenant, bizarrement, le camp impérial occidental, sentant sans doute que la victoire n’est pas certaine, ils laissent de plus en plus passer d’informations comme quoi, ce serait quand même des djihadistes mercenaires, le plus souvent, qui commettent des exactions, et non pas des démocrates autochtones. Donc, j’ai l’impression que, déjà, ce que j’appelle l’Empire se ménage une porte de sortie au cas où leur stratégie échouerait.
Mais il faut revenir, en fait, sur cette stratégie. Cette stratégie est comme toujours, selon le principe impérial que je décris dans mon livre Comprendre l’Empire, la destruction des dernières nations un peu autonomes qui existent dans la région, destruction des nations qui se définissent, en général, par leur indépendance économique et militaire. Et cette destruction des nations s’opère par le morcellement systématique en appuyant sur les failles ethnico-religieuses.
Et en Syrie, c’est l’opposition alaouite-sunnisme et la question de la minorité kurde, notamment.
Et là, on comprend d’ailleurs pourquoi les Turcs, à travers Erdoğan, jouent un jeu très pervers qui est une trahison des accords d’ailleurs qu’ils avaient passés il y a peu de temps avec les Syriens et les Iraniens, en essayant d’augmenter leur territoire dans une logique on va dire néo-grand-turque, en essayant de faire de l’annexion de territoires syriens, en s’appuyant sur la question kurde. Ce qui exige d’ailleurs, on l’a vu récemment – il y a une grosse colère à l’intérieur de la Turquie –, ce qui exige de limoger et de mettre en prison beaucoup, beaucoup d’officiers turcs qui sont contre cette stratégie de soumission à l’impérialisme américano-sioniste. C’est-à-dire que ce jeu pervers que joue Erdoğan risque, à un moment donné, de se retourner contre lui et contre la Turquie, un peu comme à l’époque où Saddam Hussein, en attaquent l’Iran, avait fait le jeu de l’Empire anglo-israélo-américain.
En général, quand on passe un pacte avec le diable, on finit toujours par être puni.
Donc, pour finir ma réponse un peu longue, la question, aujourd’hui, est en fait une agression de l’Empire américano-anglo-sioniste contre les dernières nations qui lui résistent et qui sont essentiellement, dans la région, l’Iran et la Syrie, et aussi un peu le Liban de l’alliance du Hezbollah et du général Aoun.
Et on voit bien, donc, que cette réunion correspond à une réunion de la résistance contre le projet destructeur impérial – projet destructeur et pervers –, effectivement, qui est la destruction des nations, leur balkanisation, la guerre importée partout en jetant de l’huile sur le feu des fractures ethniques et religieuses pour amener, finalement, la Syrie puis l’Iran et sans doute le Liban, à la situation de l’Iraq actuel, à la situation du Liban actuel, à la situation des pays d’Afrique en ce moment, aussi, dévastés pour les mêmes raisons, et à la situation qu’a connu le Liban entre 1975 et les années 2000.
french.irib.ir – Et en fait, étant bien conscient de ces visées de l’Empire américano-sioniste, ce haut responsable iranien, à Damas, a envoyé un message ferme à la fois aux Américains, aux Israéliens, en disant que le peuple syrien est tout à fait opposé à tout plan américano-sioniste, en Syrie.
Alain Soral – Oui, on sait aujourd’hui que même si au départ, il y avait des manifestations pacifiques du peuple syrien qui souhaitait une évolution du régime qui, effectivement, était un peu sclérosé, et une ouverture démocratique, quand ils ont compris le piège tendu, et qu’ils ont vu ce qui s’était passé en Libye, en réalité, ces agressions mercenaires et terroristes ont fait l’effet inverse ; ce que les médias occidentaux essayent de cacher. C’est-à-dire que ça a soudé les communautés qui composent la Syrie derrière le régime et derrière le président Assad qui est le seul garant de l’intégrité et de la paix en Syrie. Donc, en réalité, l’immense majorité du peuple syrien est derrière, aujourd’hui, son président et contre l’aventure et le piège occidental qui conduirait – les Syriens l’ont bien compris –, qui conduirait à l’éclatement de la Syrie sur l’exemple libyen ou iraqien.
Donc, effectivement, c’est là-dessus qu’il fait insister. Le peuple syrien a très peur de cette déstabilisation programmée par l’Occident, et est derrière son président, président d’ailleurs légitime sur le plan des, même des règles démocratiques telles que les Occidentaux les conçoivent.
french.irib.ir – Monsieur Soral, une dernière question. En fait, s’agissant de la question syrienne, il y a des agissements diplomatiques des deux côtés. Les responsables iraniens, en fait, le secrétaire du Conseil Suprême de la Sécurité Nationale iranienne se déplace au Liban et en Syrie. Le ministre iranien des Affaires étrangères se déplace à Ankara pour s’entretenir avec les autorités turques du sort des ressortissants iraniens enlevés par les groupes armés à l’intérieur de la Syrie. Le secrétaire général du Hezbollah libanais prononce un discours très important. Il parle, en fait, des efforts de ceux qui cherchent à détruire la Syrie, à empêcher le dialogue national. En Iraq, le Premier ministre continue d’apporter son soutien au pouvoir syrien, de ce côté ; de l’autre côté, également. Le ministre français des Affaires étrangères est attendu, dans la région, en Jordanie, en Turquie, pour faire pression sur la Syrie. Les États-Unis parlent de la fin proche du pouvoir syrien. Comment expliquez-vous, en fait, la situation actuelle des deux côtés, Monsieur Soral ?
Alain Soral – Eh bien, contrairement à ce que nous vend la propagande médiatique qui est sous contrôle de l’Empire et du monde de l’argent, les fauteurs de guerre sont le monde occidental, c’est-à-dire finalement l’Empire américano-sioniste, car ils sont dans une réalité qui est la ruine bancaire à cause du capitalisme financier hautement spéculatif. Et en fait, l’Empire pousse à la guerre pour cacher sa faillite, et pour essayer de rebondir, par la guerre, sur une faillite programmée.
Donc, en fait, contrairement à ce que nous vendent les médias, le régime iranien est un des pays qui a le plus de fonds souverains. Je crois que c’est un pays sans dettes ; il fait parti des sept pays au monde qui n’ont pas de dettes. Et en fait, l’Empire américano-sioniste, qui est dans une logique de la dette et qui est au bord de l’effondrement économique et bancaire, est dans une logique de guerre et de fuite en avant guerrière, pour essayer de sauver, par la guerre, sa faillite économico-bancaire.
Donc, en fait, il faut bien comprendre que le monde impérial américano-anglo-sioniste est un monde, aujourd’hui, qui pousse à la guerre, par tous les moyens, et pousse à la guerre des pays qui, comme l’Iran et la Syrie, n’ont aucune volonté expansionniste, aucune logique de guerre, et des économies plutôt équilibrées, et une dette extérieure faible.
Donc, en fait, c’est toute cette lecture qu’il faut refaire. C’est que nous sommes dans une vision, à cause du mensonge des médias sous domination impériale, dans une vision totalement inversée.
Le monde occidental est un monde, aujourd’hui, qui a à sa tête des fauteurs de guerres qui sont prêts à déclencher une Troisième Guerre mondiale pour cacher leurs responsabilités dans une faillite économique qui est chaque jour un peu plus évidente, en Occident.
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