Benoît Biteau travaille en bio et a arrêté d’irriguer ses terres. Conséquence inattendue : la PAC a réduit ses subsides ! Pour mettre en lumière cette incohérence, l’homme porte sa cause devant les tribunaux. Témoignage.
Quel est le point commun entre un viticulteur qui refuse de traiter ses vignes et un maraîcher qui arrête d’irriguer ? Un passage par la case tribunal. Le premier, Emmanuel Giboulot, s’est retrouvé en infraction pour avoir refusé l’usage préventif de pesticides. Le second, Benoît Biteau, exploitant d’une ferme bio et écocitoyenne à Sablonceaux (Charente-Maritime), a décidé d’attaquer en justice après s’être vu privé de subventions versées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).
Sans raisons apparentes, sa démarche de désirrigation, pourtant exemplaire en matière de préservation des ressources, ne serait pas compatible avec les aides européennes à l’agriculture bio. Cet imbroglio administratif a privé son exploitation – la ferme Val de Seudre – en polyactivité et vente directe de quelque 45 000 euros ces cinq dernières années. Stupéfait par la contradiction entre cette sanction financière et la promotion de l’agroécologie dans les discours politiques, l’exploitant – généticien de formation, conservateur du patrimoine naturel… et vice-président du conseil régional de Poitou-Charentes sous l’étiquette du Parti radical de gauche – a décidé de saisir la justice. Las, ses protestations, appuyées par une pétition qui a recueilli plus de 33 000 signatures, n’ont rien changé. Le 12 février, le tribunal administratif de Poitiers (Vienne) a rejeté sa demande. Le dossier est symptomatique. Au delà du cas particulier, il montre que la PAC et les agriculteurs en transition ne regardent pas dans la même direction. Témoignage.
Terra eco : Vous dites qu’arrêter d’irriguer vous fait perdre de l’argent. Pourquoi ?
Benoît Biteau : Difficile à dire. De mon point de vue, la PAC telle qu’elle fonctionne depuis 2011 ne devrait plus engendrer ce genre de situations. Je m’explique : la PAC est construite sur deux piliers. Les aides du premier pilier sont versées en fonction du nombre d’hectares cultivés. On se base aussi sur les références historiques des exploitations, c’est-à-dire sur les primes passées, calculées à partir des niveaux de rendement. Ce pilier n’est pas favorable aux agriculteurs bio. Généralement, ceux-ci cultivent de plus petits terrains et ont de moins bonnes références que s’ils produisaient en intensif. Heureusement, il existe un second pilier qui subventionne les pratiques préservant l’environnement. Le problème, c’est que ce second pilier est moins généreux que le premier. En 2011, sous la pression des agriculteurs bio, un décret a rééquilibré les choses. Les aides au bio sont alors devenues cumulables avec les autres subventions récompensant les bonnes pratiques. Ça devrait être le cas de la désirrigation. Je ne vois pas en quoi cette démarche entrerait en contradiction avec l’agriculture biologique.