Je suis fier et triste de vous annoncer que le PIR est le seul parti où les musulmans sont libres et non traités comme des sous-hommes avec les sous-droits qui vont avec.
Fier car cet espace de liberté nous nous en sommes dotés nous-mêmes. Nous le bâtissons et le faisons vivre. Triste car nous restons, et resterons visiblement pour longtemps, notre seul espace de liberté politique. Cette perspective me semble bien triste à l’approche d’élections qui seront selon toutes vraisemblances marquées par l’islamophobie.
Le NPA vient de décider que les musulmanes portant un voile peuvent militer au NPA en tractant, en collant des affiches, en posant des stickers, en récoltant des dons, etc... mais pas représenter le NPA. On est en droit de se demander ce que signifie être membre d’un parti qu’on n’est pas en droit de représenter. Si c’était mon cas, je me demanderai quelle est la signification profonde de tout cela. Je reviendrai sur ce point plus tard.
On me dira que la position des militants du NPA n’est pas homogène sur cette question et que le fait que ce parti se pose des questions, même si c’est répondre "non" alors que les autres ne se la posent pas avant de dire "non", n’est pas si mal. Après tout, tout cela n’est-il pas un signe positif ? Je ne serai pas aussi affirmatif, pour plusieurs raisons :
• Premièrement, parce qu’au regard du climat d’islamophobie qui traverse l’Europe, et tout particulièrement la France, une telle décision n’est pas bonne. Elle renforce l’islamophobie et affaiblit la lutte contre ce fléau. Tout d’abord parce que si la décision du congrès du NPA atteint indirectement tous les musulmans, elle s’abat directement sur les premières victimes de l’islamophobie : les femmes voilées. Ce sont elles qui subissent les insultes, les agressions, les humiliations, les lois islamophobes, les discriminations. La décision du congrès du NPA ne fait que renforcer l’idée qui veut que sur les femmes voilées, on peut tout se permettre, on peut voter n’importe quelle loi, on peut leur dire ou dire d’elles tout ce qu’on veut.
• Ensuite, elle affaiblit la lutte contre l’islamophobie (et même contre toutes les formes de discriminations raciales) qui regroupe hélas trop peu de personnes. Comment le NPA peut-il lutter sérieusement contre les discriminations alors qu’il en institue en son sein ? Comment un militant du NPA pourra dire que les musulmans ne sont pas des sous-citoyens alors qu’ils sont des sous-militants dans son parti ? Comment un musulman pourra-t-il poser une affiche NPA contre l’islamophobie alors qu’en tant que musulman, il est un sous-militant, il est une petite-main et ne sera que cela, il fera les basses besognes et ne pourra ni participer aux prises de décisions, ni représenter son parti ? Mais je vais sans doute un peu vite en besogne. Car les militantes musulmanes portant un voile - et à plus large échelle les militants se revendiquant de l’Islam - peuvent probablement encore proposer des idées, participer aux votes internes,etc... mais les empêcher de se présenter à des élections au nom du NPA conduit nécessairement à limiter leurs droits à l’intérieur.
• Enfin, aussi parce que le NPA n’est pas n’importe quel parti. Même si c’est involontairement, ce parti a eu une candidate voilée lors d’une élection. Quel peut être l’impact de la décision du NPA, alors que les autres partis blancs sont tous d’accord sur l’exclusion des femmes portant le voile ? Cela ne va-t-il pas empêcher toute évolution ? Ce recul du NPA, ne va-t-il pas conforter les positions, les déclarations et les actions islamophobes de l’ensemble des autres partis ? Ce recul du NPA n’est-il pas interprétable comme message signifiant que présenter une femme voilée est une erreur ?
Il me semble nécessaire de faire un rapprochement. Le fait que les musulmans sont pour les autres partis considérés comme des bras qui ne seront jamais des têtes. Toujours comme des personnes devant travailler mais ne jamais parler, comme des hommes et des femmes ayant plus de devoirs et moins de droits. Cela ne nous rappelle-t-il le sort des travailleurs immigrés, le vécu de nos parents, la vie des habitants des quartiers ? Certes cette mise à l’écart, ce sous-statut, n’est pas exprimé de la même manière, mais ce sont bien les mêmes logiques qui sont en jeux. Aussi, si on est en droit de se demander quelle est la place des musulmans pour un parti qui leur donne un statut de sous-citoyen ? On a le devoir de se demander alors quelle est la place des immigrés, de leurs enfants, des habitants des quartiers, de nous-mêmes, pour ces partis ? Quel projet de société sont-ils en train de bâtir et quel est notre place dans ce projet ?
Atman Zerkaoui, membre du Parti des Indigènes de la République