Grâce à l’expertise de personnalités et d’historiens, d’archives méconnues et souvent inédites, ce documentaire se penche sur l’évolution des différents courants antisémites qui sont passés de la négation du génocide des juifs d’Europe à la déstabilisation d’Israël.
En 2006, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad réunit un aéropage de négationnistes occidentaux à une conférence publique. En 2008, invité par Dieudonné M’Bala M’Bala, l’universitaire négationniste Robert Faurisson est acclamé par le public du Zénith… Près de soixante-dix ans après la libération des camps d’extermination nazis, un courant antisémite continue de nier que les nazis ont planifié la mort de près de six millions de juifs en Europe.
Pourtant, assure l’historien Henry Rousso, « l’extermination des juifs est l’un des buts de la guerre allemande : ce n’est pas un dommage collatéral ». Quand, le 20 novembre 1945, s’ouvre à Nuremberg le procès d’une vingtaine de dignitaires du IIIe Reich, « beaucoup d’enquêteurs, rappelle l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter, se sont vu assigner comme tâche de recueillir les preuves du génocide juif. […] Tout ceci a été soumis au contrôle de la procédure très contradictoire anglo-saxonne. […] À cet égard, Nuremberg a rendu à l’histoire un service plus que précieux. »
Au sortir de la guerre, une chape de plomb s’est abattue sur la parole des survivants. « Ce que disent ou écrivent ceux qui ont survécu, précise l’historienne Annette Wieviorka, c’est qu’ils étaient mus du désir de raconter et que, très rapidement, on les a fait taire. On n’a pas eu envie de les entendre. Dans le fait de ne pas raconter, il y a eu aussi la peur de ne pas être cru. » Ce silence, des voix venues du côté des vaincus – anciens nazis, anciens collaborateurs, figures de l’extrême droite anticommuniste – vont s’atteler à le remplir, bien que leur audience demeure confidentielle jusqu’aux années 1970. Ainsi, dès 1948, l’intellectuel Maurice Bardèche, beau-frère de Robert Brasillach, écrivain collaborationniste fusillé à la Libération, affirme dans Nuremberg ou la Terre promise : « Nous vivons depuis trois ans une falsification de l’histoire. » Deux ans plus tard, Paul Rassinier, un ancien député socialiste, déporté à Buchenwald, exprime dans Le Mensonge d’Ulysse ses doutes quant à l’existence des chambres à gaz.
Le discours des « faussaires de l’histoire » sort de la confidentialité
Il faut attendre deux décennies pour entendre, à l’occasion du procès à Jérusalem d’Adolf Eichmann, ancien dignitaire du IIIe Reich et directeur du bureau IV-B4 en charge du transport des Juifs vers les camps, les témoignages de 111 rescapés. « Au procès d’Eichmann, rappelle Annette Wieviorka, c’est la première fois que l’on constitue en récits, publiquement, la destruction des juifs comme un aspect distinct des autres aspects de la criminalité nazie. »
Malgré cela, le discours révisionniste continue de se développer dans les milieux néonazis et les groupuscules d’extrême droite. À partir des années 1980, ces derniers concentrent leurs attaques sur les aspects techniques de la solution finale. Pour leur défense, lorsqu’ils sont déférés devant les tribunaux, ils commanditent des expertises sur ce qui reste des infrastructures de l’univers concentrationnaire. Gagnant en visibilité à l’occasion de procès médiatisés, le discours négationniste parvient à rallier à sa cause d’anciens militants de l’ultragauche. Ancien communiste, converti à l’islam, Robert Garaudy est ainsi poursuivi en justice, comme l’a été Robert Faurisson. Défendu par Jacques Vergès, sous couvert de défense de la liberté d’expression, il reçoit le soutien inattendu de l’abbé Pierre, l’une des personnalités préférées des Français. Après avoir mis en doute l’existence des chambres à gaz, les négationnistes s’attellent dès lors à accuser Israël d’avoir « inventé » la Shoah pour servir ses intérêts. Un nouveau discours qui séduit autant les activistes pro-palestiniens qu’une partie du monde arabo-musulman antisioniste, mobilisés contre l’Etat hébreu.
Camille Flocon
Documentaire
Durée : 52’
Auteurs : Valérie Igounet et Michaël Prazan
Réalisation : Michaël Prazan
Production : Talweg / CNRS Images, avec la participation de France Télévisions, TV5 Monde
Année : 2014
Contact :
Sylvie Syren
01 56 22 92 52