Sans trop s’avancer, on peut supposer que ce sommet européen du jeudi 21 juillet sur la crise de l’euro, malgré les rodomontades sarkoziennes et le discours diplomatique merkelien, n’accouchera pas de « la grande révolution ».
Obama a donné ses consignes à la Frau Merkel. L’euro ne doit pas craquer pour le moment. En tout cas pas avant le 2 août et le probable déplafonnement a minima de la dette américaine. Il a été donné ordre de taire quelques semaines supplémentaires les dissensions au sein de l’Eurozone.
Angela ravalera son orgueil et obéira le petit doigt sur la couture du pantalon. Mais jusqu’à quand Berlin va-t-il obtempérer ? Mystère.
Toutefois, les eurosceptiques se bercent peut-être d’illusions en espérant assister à l’explosion de la zone euro en plein ciel, telle une vulgaire navette Columbia de retour de mission.
En revanche, nul doute que dans les coulisses, on s’active réellement « pour l’après ». Mais cet « après » n’est pas nécessairement la fin du « Plus d’Europe » cher à la Fondation Schuman.
Alors que tous les éléments étalés (partiellement) sur la place publique donnent raison aux économistes, libéraux pour quelques-uns, interventionnistes pour d’autres, tels que Jean-Jacques Rosa, Philippe Simonnot, Jacques Sapir, Emmanuel Todd ou Jacques Nikonoff, sur la non-viabilité intrinsèque de la monnaie unique, son caractère absurde et sa dimension non-sensique, les eurobéats n’ont pas dit leur dernier mot. Loin s’en faut. (1)
Au contraire, on assiste depuis quelques semaines, de la part de la clique européiste a une tentative (peut-être désespérée mais ce n’est pas certain) de franchir un pas décisif vers le fédéralisme. Un "saut qualitatif" pour reprendre une de leurs expressions fétiches. (2)
Obliger les parlements nationaux à passer leur budget sous les fourches caudines de la Commission européenne est une nouvelle obsession des euro-maniaques.
Mais ce n’est pas la seule fantaisie des euro-délirants. On envisage de plus en plus la mise en place d’une agence publique européenne de notation. Bien sûr, cette heureuse trouvaille est « vendue » aux citoyens des peuples européens comme la meilleure façon de lutter contre les trois agences de « rating » d’inspiration anglo-saxonne Standard & Poor’s (S&P), Moody’s et Fitch, qui effectivement jouent un rôle absolument délétère dans la crise des dettes souveraines des Nations du Vieux Continent.
La grande rigolade ne s’arrête pas là puisque les euro-sociopathes évoquent également la création d’un ministère des finances européennes, qui serait comme son nom l’indique doté d’un ministre, dont on peut aisément imaginer qu’il serait à peu près aussi utile, charismatique et au service des peuples européens que peuvent l’être Catherine Ashton et Herman Van Rompuy...
Autre piste envisagée : la mise en place d’eurobonds (euro-obligations). Archétype de la fausse bonne idée. Un eurobond consiste en réalité à mutualiser la dette des États défaillants avec celle des États solvables. Le but est tout simplement de mélanger ces différentes dettes et de vendre ce nouveau produit à des investisseurs.
Un vague petit air de Credit default swaps (CDS) cette petite merveille, n’est-il pas ?
Clou du spectacle : organiser une dévaluation de l’euro ! C’est à ce genre de propositions que l’on observe aisément que les eurocrates changent les règles du jeu en cours de partie dès que celle-ci semble être perdue en n’hésitant pas notamment à s’asseoir sur les traités ratifiés. Traités très régulièrement rejetés par les peuples européens au passage...
L’exemple le plus frappant illustrant ce type de comportement est celui de la Banque centrale européenne (BCE) s’autorisant le 10 mai 2010 à acheter les obligations souveraines des pays de la zone euro. Ce qui consiste à fournir de l’argent aux gouvernements qui en sollicitent. Jusqu’alors ses statuts l’interdisaient. L’argument mis en avant était d’empêcher une augmentation de la masse monétaire qui provoquerait une poussée inflationniste.
Mais les euro-fédéralistes ne s’embarrassent pas de ce genre de détails.
Comme on peut donc le voir, il n’est absolument pas garanti que cette crise constitue le coup de grâce pour les apparatchiks et les bureaucrates de l’UE, elle peut s’avérer au contraire être un formidable tremplin qui leur permettra d’aller encore un peu plus loin dans leur folie.
Le pacte de compétitivité Sarkozy-Merkel est d’ailleurs la première pierre de ce nouvel édifice babelien.
Pendant ce temps, les authentiques Européens (rien à voir avec la nomenklatura européiste), qui rêvent de voir un jour une Europe allant de Brest à Vladivostok qui serait respectueuse des spécificités des peuples et des souverainetés nationales (cela n’est absolument pas contradictoire ou en tout cas cela ne devrait pas l’être !), risquent (peut-être) de n’avoir que leurs yeux pour pleurer.
(1) Conseil de lecture : le blog de l’ineffable Jean Quatremer, hébergé par Libération, qui traite de l’actualité de l’UE. Entre deux articles consacrés à fustiger ses têtes de turcs favorites Angela Merkel, Jean-Luc Mélenchon, Bart de Wever et Nouriel Roubini, ce petit télégraphiste recrache fidèlement les mots d’ordre de ces maîtres bruxello-maastrichtiens. Très instructif.
(2) Lors de l’Université populaire participative organisée par Ségolène Royal à Rueil-Malmaison, Jacques Attali a reconnu que leur Europe n’avance que par des crises se succédant les unes aux autres, des manipulations, des coups tordus, des mensonges et la politique du « fait accompli ». Solidarité et Progrès dans un article intitulé « Quand un rédacteur du traité de Maastricht reconnaît le caractère totalitaire des traités européens » a reproduit un extrait de cette intervention.