Le travail au noir ou simplement « le black » s’appelle officiellement le travail dissimulé. Certains se cachent pour travailler en douce. Le travail serait-il honteux ? Non, mais l’État tout-puissant veut savoir, pour prélever, d’autres diront taxer.
C’est de bonne guerre : il faut penser à la solidarité nationale, et à sa propre santé, son chômage, sa retraite, donc prévoir. Encore faut-il qu’il y ait assez de travail, assez de protection sociale, assez d’information pour les travailleurs et les employeurs. Parce que là, en France macronisée, on se rapproche de la Grèce. Les double ou triple emplois se multiplient comme des petits pains.
« Je fais quoi de ma vie ? Je travaille, je paye mes factures, et je fais rien d’autre. »
Aujourd’hui, chez nous en France, la masse des chômeurs et des migrants fait double pression sur les salaires, à la baisse bien entendu. L’employeur est le roi, dans une telle configuration. Ce qui ne signifie pas que son poste soit tranquille, bien au contraire : il est lui aussi entre le chien et l’os, et son chien, c’est l’État vorace.
Si le gros employeur ne peut pas tricher avec l’État, et encore, à un certain niveau, s’il n’échappe pas aux charges patronales, il a les moyens de payer peu d’impôts et d’exercer un chantage à l’emploi, le petit employeur apprend à slalomer entre les lois, et nous sommes le pays des lois. Idem pour les indépendants, dont le régime social est aussi fragile que complexe, et on ne parle pas des auto-entrepreneurs, le nouveau lumpenprolétariat.
« Si je déclare tout aujourd’hui, je n’ai pas un franc dans mon pantalon. »
On se demande comment une société peut vivre avec 6 à 7 millions de personnes au chômage total ou partiel, des improductifs qui pèsent naturellement sur les productifs. Mais il ne s’agit pas de tomber dans le conflit horizontal, et d’accuser les chômeurs d’appauvrir les comptes de la nation : on en revient toujours à la politique économique, et surtout industrielle, puisque c’est ce secteur qui crée des emplois productifs en rafale.
Quand une grosse boîte meurt dans une région en crise, une myriade de petites boîtes meurt autour. La désindustrialisation, c’est une explosion éco-atomique avec des retombées socialo-nucléaires en chaîne.
« Il n’y a pas de chômage pour les entrepreneurs, en cas de crash, on n’a pas de parachute. »
Le travail au noir, dans ce tableau plus large, est donc un problème relativement secondaire. Dénoncer cette micro-fraude (qui coûterait neuf milliards par an à l’État), que ce soit côté employeur ou employé, c’est éviter le problème principal et botter en touche chez les pauvres, le sport préféré des néolibs. Ces derniers, une fois installés au pouvoir, ne travaillent objectivement que pour les gros, et laissent crever les petits, ou les laissent se débrouiller, tout en les réprimant au moindre manquement.
C’est le moment de faire un sort aux idées reçues sur la fraude sociale côté ménages (et pas entreprises) : si la fraude au RSA représente 1,5 milliard par an, le double de cette somme n’est pas versé à des personnes pourtant éligibles ! En face, la fraude fiscale pèse 80 à 100 milliards par an, et il est plus facile de poursuivre un petit employeur ou un indépendant qu’une grosse entreprise.
Dans ce schéma très politique, le travail au noir apparaît plutôt comme l’ajustement à un système déréglé, qui ne fonctionne bien qu’en période de croissance.