Le prof de droit et le critique d’art
16 juin 2011 10:20, par Brath-zArticle très intéressant, mais qui pose problème. J’ai cru comprendre à sa lecture qu’E&R ne faisait pas qu’une critique du droit positiviste (ce qui est légitime) mais lui préférait les fondements philosophiques du droit naturaliste. Or, est-il pertinent de défendre de tels préceptes dans une société qui est déjà pourrie par la déresponsabilisation ?
La démarche est identique entre le sociologue ou l’historien qui croit à la scientificité de sa discipline (je milite activement pour que les "sciences humaines et sociales" soient rebaptisées "disciplines humaines et sociales"), le juge ou le législateur qui prétend faire du droit une traduction d’une justice intemporelle et immutable, et "l’expert" qui débarque sur le plateau de télévision et/ou conseille le responsable publique en expliquant qu’il n’y a "qu’une seule politique possible". Il s’agit toujours de se défausser de son choix sur autre chose, pour ne pas l’assumer. D’un point de vue plus anthropologique, cette tendance se traduit à travers les comportements quotidiens des individus de nos sociétés libérales. Un exemple (tiré du Premier Sexe, d’Éric Zemmour, dans un des rares passages qui ne pompe pas Sociologie du dragueur ou Misère du désir) : l’homme qui quitte sa femme pour une jeunette après 20 ans de mariage ne va plus assumer son acte comme le faisait le goujat du début du siècle mais va prétendre que "c’est l’amour, vous ne pouvez pas comprendre".
Pour revenir plus précisément au droit, le droit positiviste est en effet une pure construction humaine. C’est pourquoi on peut le contester, l’amender, le modifier. Même si aujourd’hui les positivistes intègrent la défausse déresponsabilisante, le droit positif offre toujours cette possibilité, parce qu’intrinsèquement, il n’a de légitimité que circonstancielles et par l’usage. Bien sûr, on peut toujours rêver d’un monde où la justice règne. Mais invariablement se pose la question : la justice de qui ? Et rendue par qui ? La réponse reste la même : l’autorité publique, seule légitime aux yeux du grand nombre pour ce faire.
Alors, que faire ? Je n’ai pas de modèle clé en main à proposer. Mais je pense que le rappel incessant de sa nature intrinsèque (volonté et choix de l’autorité publique) qui seule légitime à la fois son application et sa contestation, permettrait de faire du droit positif une norme sociale acceptable. Cela n’empêche nullement de poser des principes dont le droit serait la traduction concrète, mais redonne à la volonté sa place.