Clefs de lecture #16 – Commentaires sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel (partie E)
23 novembre 2022 10:53, par RienPartie 3 : cet homme fait face à ses problèmes ; et c’est pourquoi, le type de reconnaissance auquel aspire son désir est sans commune mesure d’avec nos désirs. Appréhendant le type qui est singulièrement en jeu ici comme archétype du désir humain, les hégéliens trahissent une fois de plus leur incompréhension de ce que signifie histoire, car l’histoire est aussi l’histoire d’un désir dont la puissance dépasse radicalement, en possibilité, l’élan initial de son premier surgissement comme dernière expression de la vie biologique humaine.
Considérer que ce dont il est question avec Hegel, est le désir en tant que tel et de toute éternité, là où il fut le premier à dévoiler l’essence du logique comme histoire et devenir, c’est tenir un paradoxe tout à fait insurmontable. L’absolu n’est sans doute par rien qui manifeste le sens final de vérité comme dialectique, mais les moments qu’il traverse sur le chemin de la connaissance de soi, ne sont pas plus des absolus en soi qu’ils ne peuvent caractériser pour nous, du fait de n’être pas des absolus, des vérités archétypales sur ceci ou sur cela. Ces moments sont des daseins. La question qu’il importe donc de se poser pour se garder d’une interprétation anachronique et tout à fait contraire à l’esprit du texte est la suivante : à ce moment-là, qui sont « les hommes » dont parle Hegel ? Quel est, pour reprendre Heidegger, leur dasein ? Pourquoi le désir, à ce moment-là, revêt-il cette forme singulière, voire fondamentale, comme mode historique de l’apparition de l’existence ? Et d’ailleurs, est-on bien sûr que la relation maître/serviteur se passe entre deux hommes, plutôt qu’à l’intérieur d’un seul ?
Avant d’entrer dans la lettre même du texte, la table des matières nous en indique déjà l’esprit. D’elle, nous pouvons déjà savoir que l’homme – ou plutôt le dasein, ou plus exactement encore l’animal-homme – dont il est spécifiquement ici question, connait le système du besoin comme dynamique nécessaire de la destruction des choses, des choses qui sont tout à ce quoi il aspire pour l’heure comme purs moyens du maintien de sa vie dans l’être ; on sait également que ce dasein ne connait pas encore l’organisation des choses selon le besoin ; enfin, on sait qu’il ne sait ni l’éthique, ni la religion, ni la politique, ni l’amour. Pour l’heure, un tel dasein est l’animal qui a le corps de l’homme.