Russie et Occident : un choc pluridimensionnel
11 octobre 2022 21:20, par ProtégeonslaPalestineLe tempérament de chaque peuple, la hiérarchie de ses valeurs, et son mode de gouvernance, sont conditionnés par le climat et la géographie, qui sont des surdéterminations métapolitiques. Voilà ce que nous explique la partie la plus novatrice de ce très bel exposé de Youssef Hindi.
Les limites du politique épousent les contours de la géographie, et cette interdépendance, cette symbiose organique entre le dedans et le dehors, est en fait une trouvaille de Jean Bodin (1529-1596), théoricien de l’absolutisme monarchique, reprise par Montesquieu dans sa « théorie des climats », aux livres XIV à XIX de L’Esprit des lois. À partir de la croyance, déjà vivace dans l’antiquité grecque, que les différences de climats influent sur les tempéraments des peuples, Montesquieu élabore, à la suite de l’intuition de Jean Bodin, une extension audacieuse du principe de solidarité entre la terre et le caractère : l’axiologie des peuples et leur conscience politique se trouvent conditionnés par la géographie.
Ainsi, un écosystème insulaire, rythmé par la fluidité des flots, sera t-il propice à l’éclosion de valeurs évocatrices de la fluidité sexuelle et morale, de la transition de genre, tandis que les zones enclavées génèreraient une épistémè encline à mimer la fixité terrienne, donc une forme d’absolutisme du pouvoir, et sa déclinaison contemporaine, le dirigisme d’État.
Notons que si « La religion judéo-protestante et le messianisme des Pères pèlerins, qui se considéraient comme un peuple élu, entrent en confrontation directe avec la culture chrétienne égalitaire russe », le protestantisme entre aussi en conflit avec lui-même : d’une part, l’idée d’élection, parce qu’elle postule un détermisme où la volonté est invitée à se soumettre sans lutter à un arbitraire préétabli et au magistère d’un ordre qui lui est antérieur, est un déni de l’infinité pratique des combinaisons, offerte par la fluidité des mers.
D’autre part, l’idée d’élection divine est une conspiration antinomique ourdie par une congrégation de frustres, qui inventent à Dieu des préférences au service de leur auto-couronnement sans mérite. Ainsi, ce n’est pas Dieu qui a fait Biden président, le papy s’est auto-élu. La notion protestante d’élection divine n’est que l’ancêtre du Pass VIP, une obscénité sémantique, une mystification théologique. Ce totem d’immunité brandi par le Nouveau Monde pour conjurer sa peur du Jugement Dernier n’est jamais qu’une prophétie autoréalisatrice née de la pensée magique.