Pour "mordre" dans cette époque absolument passionnante, si vous n’avez rien à lire pour l’été, prenez Souvenirs et Polémiques de Léon Daudet en édition Bouquins, 1.400 pages de TNT en une seule "brique" souple…
Un petit aperçu (j’adore ce passage, mais il y en a tant !) :
"Cependant vivait à l’écart, écrivant à la Liberté des articles remarquables et remarqués, […] un homme jeune encore, barbu, mince et solide, à la chevelure de jais, abondante, aplatie et rejetée en arrière, aux yeux brillants, que l’on appelait Édouard Drumont. Nous l’aimions beaucoup.
Personnellement, j’éprouvais une vive sympathie pour lui, car il savait parler aux jeunes gens, il avait en toute chose et en littérature une opinion solidement motivée, et il donnait une impression de rare énergie, de sécurité.
Il y a ceux qui diminuent les choses et les gens, les milieux où ils fréquentent, qui sont marqués du signe algébrique ’moins’. Édouard Drumont était marqué du signe ’plus’.
On avait plaisir à le voir arriver et, dès qu’il ouvrait la bouche, à être de son avis. Il faisait des armes avec furie, de la façon la plus dangereuse pour lui comme pour son adversaire, en risque-tout. Mon père disait : "Drumont a raison de s’entraîner, car le livre qu’il est en train de préparer ne sera pas une petite affaire."
Quel était ce livre ? Je n’interrogeais pas là-dessus, ayant toujours eu horreur des questions indiscrètes. Mais quand nous tirions, Drumont, Alphonse Daudet et moi, dans notre petite salle d’armes du rez-de-chaussée, avenue de l’Observatoire, on ramassait, à chaque séance, une demi-douzaine de fleurets cassés. À cette époque lointaine, en effet, les règles de l’épée étaient inconnues, les maîtres Ayat et Baudry n’avaient pas encore bouleversé la technique des armes et du duel…
Léon Daudet, Fantômes et vivants, chap. II