La perspective d’un pétro-rouble devient de plus en plus claire
12 avril 2022 14:25, par nicolasjaissonL’idée du pétro-rouble est tout de même curieuse de la part de gens qui étaient tellement critiques vis-à-vis du pétro-dollar. Apparemment, c’est le changement de devise qui crée la vertu, à défaut de créer la valeur. On oublie un peu vite que la valeur du pétro-dollar n’était pas tellement liée au volume de pétrole échangé en dollar, mais plutôt au volume de transactions générées par le dollar collatéralisé par le pétrole. Autrement dit, les pays qui avaient des réserves en pétrole à négocier sur le marché acquéraient le droit d’accès aux liquidités en dollars, sous la forme de prêts des banques américaines pour financer leur économie ou de prêts générées par les banques locales ou résidentes dans la monnaie américaine, ce qui avait pour effet de démultiplier les capacités de financement de leurs économies. A une époque où le monde essaie de se passer des énergies carbonées, cela n’est pas nécessairement aussi vrai en termes de valeur du collatéral commodities.Il n’est pas sûr que le changement de devise pour échanger le pétrole ait encore du sens pour la Russie. Celle-ci est en effet encore très dépendante des technologies occidentales pour l’exploitation de ses gisements pétroliers et gaziers, en particulier pour la production et le transport de GNL
L’Occident avait empêché l’Iran de construire trois unités de production GNL dans le Golfe Persique, du fait des sanctions frappant les équipements nécessaires qui étaient importés d’Occident. Alors certes le rouble a pris de la valeur par rapport au dollar, mais essentiellement du fait de la spéculation sur le marchés et non du fait de la demande en devises liée aux hydrocarbures. Se limiter aux revenus pétoliers n’est pas une solution pour la Russie qui n’a pas les moyens de démultiplier la masse monétaire en moyens de financement générés par les banques, dont les les taux restent prohibitifs. Il faut noter aussi que les technologies numériques liées aux systèmes de paiement proviennent avant tout des Etats-Unis et de l’Europe avec l’aide la Chine, mais qui reste encore un acteur mineur sur le marché russe. Là encore, la Russie a perdu ses ressources humaines en informatique qui sont parties se vendre dans les pays occidentaux. Le déficit de valeur du rouble se trouverait donc davantage dans le capital humain qui n’est pas suffisamment mis en valeur dans les entreprises privées, en mal de financement, que dans les réserves pétrolières ou gazières converties en valeur monétaire sur les marchés.