A propos de la question du gouvernement des juges, je crois avec force conviction que la présentation que vous en donnez entre dans un anachronisme maladroit, sans doute en mélangeant confusément ce qui tient du concept et ce qui vient de l’esprit de la règle.
Ce que l’on appela à l’époque de la révolution bourgeoise de 1789, le gouvernement des juges, reposait sur la puissance judiciaire des cours de justice de l’ancien régime qui étaient à l’origine une extension du bailliage (devenu parlement sous Louis IX) et dont l’institution remonte à Philippe Auguste et qui se généralisa au fil de la consolidation du pouvoir royal contre la féodalité.
Le parlement (cours de justice de dernier ressort) de Paris s’était octroyé le pouvoir de délivrer des remontrances (les juges en tant que conseillers du Roi étaient invité à émettre des observations : ordonnances de 1318 et 1320 sur les attributions des juges du parlement de Paris, réitérées par l’ordonnance du 11 mars 1344 relative à son organisation définitive).
Le droit de remontrance, découlant à l’origine de l’enregistrement des actes royaux en forme de lettres patentes donnant lieu à la possibilité d’émettre des doléances ou réserves, allait finir par s’imposer au plus tard après le règne de Louis XI et se normaliser à l’instar d’une institution.
Puis les édits et les ordonnances royaux allaient suivre le même cheminement où les parlements provinciaux qui s’établissaient sur l’ensemble du territoire pouvaient aussi adresser des remontrances aux rois en lui envoyant des représentants (députés).
Mais ce sont surtout et davantage les arrêts de règlements qui posèrent problème en indisposant l’autorité royale par l’effet d’équivalence que lesdits arrêts de règlement empruntaient à la force exécutoire de la loi.
La justice d’aujourd’hui n’est que le jouet et l’instrument des gouvernements qui exécutent les décisions qui lui sont données par le gouvernement invisible.
Il ne faut pas oublier que la république issue de la révolution de 1789 a interdit expressément les arrêts de règlement et l’ingérence des juges dans les affaires de l’autorité publique.
l’article 12 de la loi des 16-24 août 1790 interdit aux tribunaux de prendre, directement ou indirectement, aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif à peine de forfaiture
D’où l’existence de deux ordres de juridictions distinctes et du tribunal des conflits