L’affaire de Sivens ou le spectacle de la nouvelle radicalité politique
8 mars 2015 10:33, par gotfriedJe suis lourdement en désaccord avec une bonne partie de cet article. Quand à l’imposture de EELV et autres "contestataires" institutionnels, évidement il n’y a rien à garder. Idem avec la Le Pen. Ces gens-là ont pour unique vocation de finir par récupérer des aspirations réelles, légitimes, profondes, philosophiques et politiques, pour les transformer en bulletins de vote. Un bulletin dans une urne, c’est un citoyen transformé en sujet.
Mais pour connaître personnellement une personne qui a vécu deux ans à la ZAD de Notre Dame des Landes, et surtout l’évolution psychologique et politique que ça a provoqué chez lui, je peux affirmer que cet article à charge est infiniment plus aligné avec les représentations du système que les ZADistes "sérieux" qu’il prétend dénoncer. Surtout si c’est pour présenter les Bonnet Rouges comme les "vrais" : eux qui ont pour unique revendication qu’on leur prenne moins d’argent et qu’on leur impose moins de règlementation. C’est à dire qu’à leur niveau, ils ont exactement les mêmes aspirations et désirs politiques que les 1% les plus riches. Ils sont la classe moyenne acquise au capitalisme et au libéralisme.
Les ZADistes, surtout à Notre Dame (puisque là-bas ils vivent en bonne intelligence avec les agriculteurs, ce qui n’est pas le cas à Sivens), vivent dans la boue, font du troc, pillent les poubelles des grandes surfaces, cultivent pour leur consommation personnelle, tiennent des A.G. de citoyens où ils discutent les questions qui posent problème dans la communauté (puisque des omnivores et des antispécistes doivent cohabiter, par exemple), etc... A la ZAD de N.D. des Landes, un des biens les plus précieux est une paire de chaussette sèche et propre. Ils se forment les uns les autres, car la plupart d’entre eux n’arrivent là bas qu’après un parcours personnel déjà assez long, et qu’ils ont tous plus ou moins des connaissances ou des savoir-faire à partager. L’entraide est la règle.
Les ZADistes de N.D.d.L. manifestent peu. Mais ils se défendent beaucoup. C’est à dire que l’immense majorité des affrontements avec la police ont lieu autour du bois qu’ils ont investi, et dont on veut les chasser. Ils ne réclament rien à l’Etat, ils résistent simplement, et construisent, sans demander l’autorisation à personne, une société qui leur convienne et où ils sont à l’aise. Une société sans capital, sans "droits sacrés" (et surtout pas la propriété), sans tabous non plus. Une société à eux quoi. Et ça, c’est révolutionnaire.