Pierre Péan : "Guerre du Kosovo : un moment clef de notre Histoire"
27 mai 2013 21:29, par La chouette de MinerveLes multiples sédimentations successives de populations allogènes qui sont venues l’habiter, puis qui se sont retirées au gré des flux et reflux de l’Histoire n’ont pas modifié cette donnée fondamentale.
Malgré tout mon respect pour Alain Soral, je ne peux m’empêcher de protester quand celui-ci compare la population d’Albanais du Kosovo à la récente immigration de peuplement qu’a connu la France. Une bonne fois pour toute, les Albanais n’ont pas immigré au Kosovo. Cette région est leur lieu d’habitation depuis des siècles, pour ne pas dire plus, ils se la sont appropriée par le travail de la glèbe, ce qui n’est pas le plus sale des modes d’appropriation. C’est au contraire l’Etat central yougoslave qui a tenté, vainement, tout au long du 20ème siècle, de serbiser la province en y faisant venir un grand nombre de leurs ressortissants pour tenter d’inverser en leur faveur l’équilibre démographique. Aussi aujourd’hui à quoi bon tenter de remettre en cause cette réalité immuable du terrain et revendiquer la souveraineté serbe sur le Kosovo ? Est-il juste que la seule population non slave de l’ex-Yougoslavie, qui creuse culturellement et historiquement le plus grand fossé avec la Serbie, soit celle qui doive après l’indépendance de toutes les autres subir la souveraineté d’un Etat étranger ? La prise en main de son destin par le peuple albanais au Kosovo est à mon avis humainement inéluctable.
Pourtant je comprends les réticences que cela pourrait engendrer chez certains patriotes français, qui perpétuent une politique d’amitié franco-serbe depuis maintenant la première guerre mondiale. Je comprends que certains se soient révoltés du sort réservé au pauvre peuple serbe, qui a dû essuyer de sévères bombardements, très condamnables. Les souffrances de la guerre vont prioritairement aux plus exposés, et aucun malheureux des deux camps n’y échappe. Je comprends aussi que ce qui suscite votre désapprobation soit cette alliance gênante des Albanais avec les Etats-Unis. Or il ne s’agit là que de Realpolitik. Dans l’adversité vers qui d’autre se tourner que vers ceux qui vous tendent la main ? Le Kosovo étant une province-confetti, ses leaders ne pouvaient rêver mieux que d’obtenir l’aide d’une superpuissance telle que les Etats-Unis, au risque de faire rentrer le loup dans la bergerie. Mais ils manquaient de vision politique pour analyser cela. D’ailleurs je doute même qu’ils ne se soient jamais posé la question. (.../...)