Bonjour Camille,
Je trouve qu’il n’est pas toujours facile de distinguer le platonisme en tant que tel et son interprétation, sa transposition, dans la doctrine chrétienne. Tout comme la science, la vertu (aujourd’hui on dirait peut être le mérite) est un thème central dans l’œuvre de cet auteur autour, duquel il tourne et retourne, sans véritablement l’atteindre. Le christianisme pallie à cette carence par la notion de la grâce qui devient alors la clé de voûte de sa vision du monde et du salut. Et en effet, nous sommes enclins à valoriser la volonté, l’habileté, le talent. Mais en définitive ce sont là des qualités que l’on reçoit, étant donné que nous ne nous sommes pas créés nous-mêmes.
Il me semble que cette croyance au mérite - en tant que personnel - est le péché originel de notre civilisation. En orient on parlerait probablement d’égo. L’occident tient quant à lui la notion de liberté individuelle pour le suprême paradigme. Les grecs cherchaient l’équilibre dans la raison pour échapper aux passions. Mais la raison n’est-elle pas l’ultime passion de l’ego ? On dit bien avoir raison. Et non pas être... ce qui suggère que nous ne sommes donc pas "raison", que nous sommes autre et au-delà. C’est en tout cas la proposition chrétienne. Peut-être maladroite, peut être difficile - elle suppose un renoncement extraordinaire - mais seule elle ne bute pas sur les incertitudes du savoir ou les impasses de la logique : elle transcende le logos en posant la dimension de la grâce. Or la grâce ne se construit pas, elle ne se conquiert pas, elle ne s’exige pas. Elle s’implore. On peut peut-être penser qu’elle n’est que suggérée chez Platon, par le recours aux mythes qui concluent nombre de dialogues.
Merci en tout cas pour vos éclairages philosophiques toujours agréables à entendre.