Little Richard, grand évidemment. Mais immense la spère musicale au sein de laquelle, il fut homme parmi les hommes, musicien et artiste parmi ses frères musiciens et artistes. Laissons-là l’hurluberlu et ses excentricités, tout ce folklore que le spectacle-marchand en son obscénité perverse promeut. Non, pas d’idoles, pas de bon vieux temps, pas de pionniers... rien de ce bric-à-brac ressassé...
Little Richard vient du rythm’n’blues, cette formule gagnante qui dès l’immédiat après guerre gagne du terrain. Louis Jordan, Johnny Otis, Arthur Crudup (plusieurs fois repris par Elvis)... Il y en à tant à redécouvrir... A noter : 60 % du premier répertoire du king est constitué de succès issus de ce monde.
Bien avant les sixties, les studios et les médias une mouvance noire élabore toutes les règles, ré-invente tous les riffs venus du blues et du jazz et établit les canons de la vraie modernité (jusqu’à, même, la guitare saturée) : Big Mama Thornton, Otis Blackwell, Amos Milburn, Junior Parker...
Et Little Richard au sein de ce jeune peuple noir inventif, heureux d’être si précurseur, Little Richard brillait de toute son innocence vive.
Pour Mickey Baker, pour les Drifters, pour Rufus Thomas ou Wynonie Harris et tant d’autres la dépossession fut terrible. Des crépus ne pouvaient squatter les premières places et faire des fortunes. Ils ne pouvaient être adulés. Ils ne pouvaient donc servir Mammon kapital qui veut l’asservissement de tous noirs et blancs : Elvis et ses frères, plus tard les Stones, tous se servirent et inventèrent sur cette incroyable base, le r&b noir des fifties.
Voilà d’où vient ce grand homme, Little Richard. Et voilà pourquoi les noirs se détournèrent de la nouvelle musique blanche commerciale : le rock’n’roll. Aux innocents les mains pleines, aux outsiders aussi. Oui, qu’on se le dise, Little Richard en était.