La face de l’innocence que porte si fièrement le concept de soi peut tolérer l’attaque en légitime défense, car n’est-ce pas un fait bien connu que le monde traite rudement l’innocence sans défense ? Nul ne fait une image de lui-même sans y mettre cette face, car il en a besoin. L’autre côté, il ne veut pas le voir. C’est pourtant là que l’apprentissage du monde a ses visées, car c’est là qu’est établie la "réalité"du monde, pour veiller à ce que l’idole dure. Sous la face de l’innocence , il y a une leçon que le concept de soi a été fait pour enseigner. C’est la leçon d’un terrible déplacement et d’une peur si dévastatrice que la face qui sourit au-dessus doit à jamais détourner son regard, de crainte de percevoir la traîtrise qu’elle cache. La leçon enseigne ceci : "je suis la chose que tu as faite de moi, et quand tu me regardes, tu es condamné à cause de ce que je suis." A ce concept de soi le monde réagit avec un sourire d’approbation, car il garantit que les chemins du monde sont bien gardés, et que ceux qui les parcourent ne s’échapperont point. Voici la leçon centrale qui assure que ton frère est condamné éternellement. Car ce que tu es est maintenant devenu péché. Pour cela il n’est pas de pardon possible. Peu importe maintenant ce qu’il fait, car tu lèves un doigt accusateur, inébranlablement et mortellement pointé vers lui. Il pointe aussi vers toi, mais cela est gardé encore plus profondément dans le brouillard sous la face de l’innocence. Dans ces caveaux voilés, tous ses péchés et tous les tiens sont préservés et gardés dans les ténèbres, où ils ne peuvent pas être perçus comme des erreurs, ce que la lumière montrerait sûrement. Tu ne peux pas être blâmé de ce que tu es, pas plus que tu ne peux changer les choses que cela te fait faire. Ton frère est donc pour toi le symbole de tes péchés, et tu ne fais que le condamner en silence, et pourtant avec une urgence qui n’a point de cesse, pour la chose haïe que tu es.