Les gens dont le nombre s’accroît en progression géométrique, — doublant, et dans certains pays, triplant, tous les trente ans, — ne peuvent que ruiner la terre, le paysage, et le sol lui-même, auquel ils s’agrippent comme des sangsues. Il leur faut absolument des habitations : n’importe lesquelles ; des habitations vite construites, et coûtant le moins possible ; laides, — cela n’entre pas en ligne de compte, pourvu que, dans les pays techniquement avancés, elles présentent de plus en plus de confort ; qu’elles permettent une vie de plus en plus automatique. Dans les autres pays, il suffira qu’elles s’alignent, toute semblables, bâties en série, sur l’emplacement des forêts déracinées. La tôle ondulée, brûlante, y remplacera le chaume frais. Et des fragments de bidons rouilles, grossièrement fixés ensemble, en formeront les parois, au lieu des feuilles de palmiers, devenues plus rares. Ainsi ces repaires au rabais ne valent,certes, ni les plus primitives cases africaines ou océaniennes, ni les antiques cavernes. Mais ils présentent l’avantage que leur fabrication peut aller de pair avec la cadence du pullulement humain.
Il n’y a, toutes les fois qu’on passe à travers une campagne surpeuplée, où des maisons vite bâties et des champs destinés à nourrir la multitude humaine, s’étendent indéfiniment à la place des forêts abattues, qu’à essayer de se mettre en contact avec le Principe impassible et caché de l’action et de la réaction, et à prier intensément : "Rendez, ô patient Seigneur, la terre à la jungle, et à ses anciens rois ! Traitez l’homme, individuellement et collectivement, comme il les a traités et les traite encore !"