Éducation nationale : le témoignage d’un enseignant
8 juillet 2014 20:39, par Témoignage prof. de langueJ’ai quitté l’Éducation nationale en juin 2013 craignant à terme pour ma santé mentale (je vous assure que je n’exagère pas) voilà quelques-unes des réflexions que m’inspire la situation :
La connaissance, le savoir ont toujours été un enjeu de pouvoir. Un peuple éclairé est un peuple exigeant qui demande des comptes à ses dirigeants.
Les professeurs sommes attachés à la transmission de la connaissance, nous maitrisons bien notre tâche et un certain nombre d’entre nous sommes décontenancés par des consignes qui sont de nature à appauvrir notre enseignement. Il n’y a aucun hasard là-dedans. Il est primordial pour les puissants d’écarter le plus grand nombre de la gestion de la cité.
Maintenant les vents dominants sont violemment contraires : on me somme d’adhérer au dogme du Cadre européen de référence des langues étrangères et on me demande de le faire admettre à mes élèves. Il est normal dorénavant de les asseoir en "ilots" ou devant des machines, il est crucial d’éviter le rapport frontal, on relève des productions orales récoltées sur ordinateur et pour vérifier qu’ils travaillent, on peut recourir à un dictaphone posé au milieu de la table, le mouchard... Tout cela sans cap puisque le bac ne constitue plus un examen national pour les S et les ES en langues vivantes depuis 2013. En allemand, on mélange sans complexes les lv1 et lv2, les S, les L, les ES dans des groupes pléthoriques de plus de 30 élèves... Si j’avais dû étudier les langues vivantes dans ces conditions, je n’y aurais trouvé aucun intérêt !!! Les années 70 auront connu le triomphe de l’agriculture intensive, bienvenue dans le monde enchanté de l’enseignement hors-sol ! Tout cela est supposément propre, scientifique et rigoureusement cadré par l’Europe, car là est bien l’urgence : surtout éviter une réaction massive de nos jeunes et de leurs parents qui puisse à un quelconque moment remettre en question la machine infernale, vivent les temps modernes !
Il y a toujours eu des insoumis dans l’Éducation Nationale, il y en aura de moins en moins. Le pouvoir continuera d’humilier méthodiquement les enseignants renvoyés dorénavant à leur statut de « fonctionnaires d’application » voués à l’obéissance aveugle.