Comparaison n’est pas raison, Dr Jaffré. L’hinterland, objet de toutes les convoitises depuis un millénaire environ est toujours sous souveraineté russe. La campagne de Russie napoléonienne ne se compare qu’à l’attaque de l’Allemagne en 1914 et en 1941. Sur le million de la grande armée, 50 000 sont revenus. Les moscovites avaient alors brûlé leur capitale, les parisiens, pour garder la leur, avaient offert leur femmes aux cosaques. Poutine est aujourd’hui davantage un acteur de continuité, que de rupture. Issu de l’un des deux appareils qui ont survécu à la chute du rideau de fer : le KGB et le Patriarcat de Moscou, il n’est pas un nouvel acteur apparu sur l’écume révolutionnaire, mais un pur produit de l’appareil. Si la reprise en mains post eltsinienne a été possible, c’est uniquement grâce à la permanence des structures de contrôle au sein de la société du pays, qui a stoppé la mise à l’encan de l’ère eltsinienne proatlantiste, et la dollarisation à outrance de l’économie russe, pour absorber une forte part du déficit US extra muros. Si l’on considère que la révolution de 1917 fut organisée de l’étranger, comme la révolution française, Bonaparte c’est Staline, ce n’est pas Poutine. Et sur la période, l’homme qu’il vaudrait mieux comparer à Poutine, c’est Fouché. Poutine est un restaurateur, pas un vecteur de l’expansion impériale des Lumières comme Bonaparte/Napoléon. De toute manière, la taille et la richesse relative des deux pays, invalide toute comparaison. Avoir cette vision consiste à cantonner le rôle de la Russie à l’Ouest, en Europe, avec dans l’angle mort, le Caucase, l’Asie Centrale, l’immensité Sibérienne et l’extrême Orient russe. A ce niveau là, c’est de la cécité mégalomane, un travers de l’esprit français, quand le génie conceptuel perd contact avec la réalité physique et spirituelle. Aucune comparaison ne peut être faite entre la politique d’un finistère et celle d’un continent, a fortiori à deux siècle d’écart.