Le drame des pêcheurs antillais
"Les hommes que je reçois ici sont des marins. Ce sont des gens fiers, qui ne se plaignent pas facilement. Mais dès qu’on parle un peu de leur situation, on voit rapidement qu’ils sont anéantis. Ils vivent un véritable drame social", raconte Nicolas Diaz, du Comité régional des pêches maritimes et des éleveurs marins de Guadeloupe. Les communautés rurales du littoral antillais ont été surexposées : "Ils ont bu du chlordécone, mangé du chlordécone et ont pataugé dans le chlordécone durant des années, car ici on boit l’eau des sources et on se nourrit des poissons qu’on pêche et des ignames cultivés dans le jardin, en croyant avoir un mode de vie sain." En outre, explique Nicolas Diaz, "du jour au lendemain, ils ont été assimilés à des empoisonneurs".
A cause de cette pollution, un arrêté préfectoral de 2010 a interdit la pêche sur la côte sud-est de la Guadeloupe à moins de 500 mètres du rivage, puis à moins de 900 mètres cette année. L’arrêté empêche également la consommation de près de 50 espèces (langoustes, crabes, crevettes…), en recommandant aux pêcheurs d’aller "pêcher ailleurs", ce qui crée des conflits avec les communautés voisines. Pour aller chercher la daurade là où les eaux ne sont pas polluées, il faudrait à ces marins des bateaux plus puissants. "Comment se redéployer alors qu’ils épongent déjà un manque à gagner considérable à cause de la chute de leurs ventes ?",se demande Nicolas Diaz, qui estime l’investissement nécessaire à 70 000 euros par entreprise de pêche.
200 entreprises de pêche ont été affectées en Guadeloupe par les effets de la pollution, dont la moitié se trouve en zone d’interdiction totale de pêche. En Martinique, environ 500 pêcheurs sont concernés. Or, dans le cadre du plan chlordécone, qui devait affecter 4 millions d’euros à la pêche, seule une cinquantaine d’entreprises marines ont touché une aide, allant de 7 000 à 10 000 euros en une fois.