L’arrière cuisine de la gastronomie moléculaire
28 février 2013 15:15, par johnsonMerci pour l’article, mais j’aimerais tout de même apporter quelques précisions :
Dire que le chimiste est le contraire du cuisinier de tradition me semble assez erroné. J’aimerais prendre l’exemple d’un de nos plus grands chefs français que j’ai eu l’occasion de connaître un peu : Olivier Roellinger. Avant celui-ci était chimiste, puis, après avoir été agressé et envoyé à l’hôpital par une bande de jeunes, il est devenu chef cuisinier à Cancale. C’est aujourd’hui lui qui fournit des emplois au tiers du village, il a toujours refusé d’exporter sa cuisine hors de sa Bretagne natale et a obtenu 3 étoiles au Michelin il y a quelques années.
Pour ce qui est de Ferran Adria, il faudrait également rappeler qu’il a fait construire son restaurant à l’écart de toute grande ville pour éviter d’avoir à dîner chaque jour une réunion de cosmopolites qui descendent d’un avion puis en prennent un autre. Pour venir goûter à sa cuisine il faut faire l’effort de traverser des paysages catalans.
D’autre part, même si j’entends votre argumentaire et qu’il a des fondements quand on considère qu’il y a une avant-garde et une arrière-garde (comme s’il y avait un progrès en cuisine avec une cuisine dépassée...), j’aimerais tout de même dire qu’il ne faut pas condamner la nouvelle cuisine en bloc, et ce pour plusieurs raisons :
1° dès qu’il y a cuisine il y a culture, et donc il est faux de croire qu’une cuisine est plus vraie, plus authentique parce que traditionnelle. Il n’y a pas de vraie et de fausse cuisine, seulement des cuisines qui sont goûteuses et d’autres qui ne le sont pas. Il y a de la bonne et de la mauvaise cuisine traditionnelle comme il y a de la bonne et de la mauvaise cuisine moléculaire. Ce n’est donc pas la cuisine moléculaire qu’il faut condamner, mais le prétexte de la cuisine moléculaire pour nous faire goûter quelque chose sans saveur.
2° de temps en temps, à côté de la cuisine traditionnelle, ça peut être très bon de découvrir des plats qui sont et inventifs et savoureux, car ce n’est pas parce qu’un plat est moléculaire qu’il n’a aucun goût. D’ailleurs tous les grands chefs qui pratiquent la cuisine moléculaire, contrairement à pas mal de préjugés, ne font pas des assiettes minuscules et sans goût, bien au contraire.
Enfin une précision un peu plus triviale qui est que l’inventeur du concept de déconstruction n’est pas Derrida mais Heidegger.
Bonne journée à vous camarades