Pour le dessinateur Albert Dubout (1905-1976), le couple c’était un homme, petit et maigrichon, avec une femme, grande et grosse. Cinquante ans avant Mai 68 et la révolution sexuelle, il avait dû sentir le basculement de pouvoir, le féminisme vainqueur, les femmes qui grandissent et les hommes qui rapetissent.
Zemmour & Schiappa, dans la même émission, c’est le national-sionisme face au socialo-sionisme, la droite dure contre la gauche molle, le petit sec contre la grande pulpeuse, on est bien chez Dubout mais avec les pouvoirs inversés, car Riton a mis un peu la Marlène à l’amende, ce qui était prévisible. On applaudit quand même le courage de la dame, venue se sacrifier sur le ring contre un mec qui boxe deux niveaux au-dessus, largement. Mais elle a plutôt bien défendu le camp du Bien, d’autant plus qu’il a peu d’arguments.
On apprend de la bouche de Marlène que la loi prévoit « 27 critères de discrimination » : sexe, âge, sexualité, couleur de peau, origine, religion, code postal (eh oui, si vous êtes dans le 93300, adieu boulot), handicap, âge...
Pour Zemmour qui oppose sa « raison » à la « morale » de son invitée, « discriminer, c’est discerner, c’est donc choisir... À chaque fois qu’on choisit quelque chose on rejette tout le reste ».
Zemmour à 25’00 : « Et j’essaye de comprendre pourquoi ce mot, discrimination, a pris une telle ampleur, tout le monde en parle, en fait vous n’êtes pas la première à faire des lois anti-discriminations, on les accumule depuis 30 ans et je crois avoir compris. C’est-à-dire que la discrimination ou plutôt la non-discrimination est une arme de guerre au service d’une idéologie qui est non pas l’égalité, comme vous le croyez et vous le dites, mais l’égalitarisme. Et l’égalitarisme c’est une idéologie qui consiste à assimiler toute distinction à une inégalité, toute inégalité à une discrimination, toute discrimination à une malveillance et à faire du soi-disant discriminé une victime à vie et ainsi un persécuté. Or, c’est faux : toute distinction n’est pas une inégalité, toutes celles qui reposent sur le mérite, toute inégalité n’est pas une discrimination, toutes celles qui reposent sur le talent, et enfin, toute discrimination n’est pas une malveillance ! »
La banderille arrive, à 26’17 : « Je dirais même mieux, imaginez, je vous fais des avances, vous les refusez, c’est une discrimination ! Mais elle est tout à fait légitime. » Ce à quoi Marlène répond : « Je ne suis pas un service public ! »
Puis elle contre le polémiste sur le mérite.
Schiappa à 29’18 : « Au contraire, on voudrait que le mérite seul compte, que la compétence seule compte, mais vous vous rendez compte qu’à l’heure actuelle, quand on porte un prénom à consonance maghrébine, on a en moyenne 20 à 25 % de moins de probabilités d’obtenir une réponse que quand on porte un prénom à consonance française, ça veut dire que le choix, la sélection, la discrimination au sens sémantique de base du terme, ne s’opère pas sur le mérite et donc il y a des gens qui sont exclus de la course au mérite. »
Et là, deuxième banderille, plus profonde que la première...
Zemmour : « Vous avez pris un très bon exemple. Un très bon exemple parce que ça va montrer exactement la différence entre la conception entre vous et moi. Quand je vous ai dit que la non-discrimination c’est la grande confusion, et vous me répondez exactement il y a des Maghrébins qui ont 20 % ou 30 % de chances de moins d’être embauchés, uniquement parce que leur prénom est Mohamed et pas François... je pense que quand vous dites que le prénom Mohamed est discriminant, mais leurs parents auraient dû les appeler François ! D’ailleurs c’était une loi de la République, que vous aimez tant, qui a existé pendant deux siècles, sous Clemenceau... sous Jules Ferry, sous Léon Blum, sous Jean Jaurès, sous le général de Gaulle, et qui imposait depuis Bonaparte de donner un prénom dans le calendrier. Tous les gens qui sont nés avant 1993 leurs parents n’ont pas respecté cette loi... et aujourd’hui moi je milite pour le rétablissement de cette loi. Parce que c’est justement le problème de cette non-discrimination, c’est que ça veut éradiquer tous les héritages, toutes les hiérarchies. La France n’est pas un no man’s land, c’est un pays avec une histoire, c’est un pays avec une culture, les gens qui viennent de l’étranger doivent s’assimiler à cette culture pour être acceptés par les autres. Et si jamais ils continuent à se prénommer Mohamed ou qu’ils mettent le voile sur la tête de leurs femmes, c’est de l’auto-discrimination, et ce n’est pas aux Français de s’adapter à cette nouvelle culture étrangère, c’est aux étrangers de s’approprier la culture française pour être acceptés par les autres. »
Fin de la démonstration. Avec un bonus : « Y a pas que Mohamed qui est discriminé, y a aussi Kevin, parce qu’on sait que c’est une classe populaire, et y a pas que les Mohamed qui sont discriminés, y a aussi tous ceux qui ont plus de 50 ans ! »
Alors un Mohamed de plus de 50 ans...
La discussion est intéressante, et Marlène se défend bien, parce que les arguments du Riton sont solides, bien que connus. Une pointe d’humour de la secrétaire d’État quand elle lui demande à son vis-à-vis l’origine de son prénom – Éric – et qu’il lui répond : « c’est un prénom chrétien du nord de l’Europe, c’est scandinave ».
Passons à l’immigration et à ce qu’elle nous apporte (ou pas).
Schiappa à 45’46 : « Et ensuite des vagues d’immigration aussi issues de l’Afrique du Nord, en matière de gastronomie, en matière de musique, en matière culturelle et c’est cela qui fonde notre identité. C’est une forme d’assimilation réciproque où les uns et les autres... »
Zemmour : « Là je suis content parce qu’au bout d’un quart d’heure ça y est, votre culture SOS Racisme ressort.. ça me fait plaisir parce que là on sort les fondamentaux, quand on commence la logorrhée idéologique des années 80, là je vous retrouve... Vous faites de l’idéologie sans le savoir, vous êtes le Bourgeois gentilhomme de l’idéologie... N’appelez pas “valeurs de la République” ce qui est le contraire des valeurs de la République. La République, chère madame Schiappa, je vous le répète, c’est l’assimilation, ce n’est pas le multiculturalisme !... Ce n’est pas Macdonald la République, on ne vient pas comme on est, on s’assimile à une culture dominante ! »
Marlène propose de lutter contre les discriminations territoriales par le moyen de la discrimination positive. C’est ce qu’il ne fallait surtout pas dire, Riton explose.
Zemmour à 49’00 : « C’est exactement ce que je voulais démontrer, c’est que c’est sans fin, c’est sans fin, vous allez trouver toujours des gens légitimement ou pas légitimement qui vont se plaindre d’être discriminés, vous fabriquez des victimes éternelles, vous fabriquez des aigris. »
Marlène manque de répondant, parce qu’elle aurait dû, mais on comprend qu’elle ne peut pas, parler de la victimisation de la communauté juive par la communauté juive organisée, et là, Zemmour aurait peut-être eu le bec cloué, et encore, il ne se situe pas exactement sur la ligne geignarde du CRIF, il est plus intelligent que ça. Au lieu de quoi, Marlène laisse Riton dérouler son monologue.
Zemmour : « Il faut pas tenir ce discours aux gens, il faut leur dire c’est uniquement par le mérite et l’effort qu’on y arrive, et ça a marché pendant des siècles en France ! C’est que depuis 30 ans qu’on a cette idéologie délétère de la non-discrimination que ça ne marche plus. »
Stop ! On sort notre carton jaune : ça n’a pas été facile pour tout le monde, même avant Mai 68. Tout le monde n’a pas le talent, la culture, ou la force de travail pour s’en sortir, il y a des conditions économiques supérieures qui jouent, et qui peuvent empêcher un homme de s’en sortir. Mais là, on remonte à l’injustice de la naissance, au hasard de la Vie, et le débat n’a pas de solution. La question, un peu plus philosophique, et aussi pratique, devrait être de bien faire la différence entre les gens qui souffrent vraiment et qui doivent être aidés, parce qu’on n’est pas des bêtes, et ceux qui aujourd’hui capitalisent sur une souffrance victimaire, et là Zemmour aura au moins une oreille qui chauffe.
Christine Kelly pose alors la bonne question : « Éric Zemmour, il n’y a pas de victimes selon vous ? »
Las, Zemmour met sur la table les stats des actes antichrétiens et antijuifs et le fond de sa pensée ressort : « Qui, qui est coupable des actes contre les juifs ? Madame Schiappa, qui est coupable des actes contre les juifs ? »
Le proverbe juif dit qu’on connaît un homme dans sa poche, dans son vin et dans sa colère. Emporté par son élan, Zemmour-le-sioniste bouscule Zemmour-le-nationaliste (français) et dérape complètement :
« Il faut interdire le Coran parce que le livre est un discours de haine, puisqu’il a fondé 250 morts en France dans l’année 2015 ! »
La conversation se termine sur le grand remplacement de Renaud Camus, là Riton est en terrain favorable : « il n’y a que ça dans l’histoire du monde ». « C’est l’histoire du monde madame Schiappa le grand remplacement, et c’est ce que nous vivons aujourd’hui en France ». Marlène n’est évidemment pas d’accord.