L’Union européenne et le Japon ont annoncé le 6 juillet un accord de principe sur un ambitieux traité de libre-échange qu’ils négocient depuis plus de quatre ans, lors d’un sommet à Bruxelles.
« Nous avons abouti aujourd’hui à un accord de principe [en faveur] d’un Accord de partenariat économique », a déclaré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker le 6 juillet lors d’une conférence de presse commune avec le président du Conseil européen Donald Tusk et le Premier ministre nippon Shinzo Abe, réunis en sommet à Bruxelles.
Le chemin est encore long
La route vers un traité commercial définitif est encore longue, sans doute plusieurs mois, mais en parvenant à cet accord politique, Européens et Japonais officialisent leur entente sur la plupart des sujets importants.
« Nous envoyons ensemble un signal fort au monde en faveur d’un commerce ouvert et équitable. Pour nous, il n’y a pas de protection dans le protectionnisme », a poursuivi Jean-Claude Juncker.
Le message de l’UE et du Japon vise principalement le président américain Donald Trump, dont la politique protectionniste inquiète ses partenaires.
Les deux parties ont d’ailleurs mis les bouchées doubles ces dernières semaines pour parvenir à cet accord avant le G20 des 7 et 8 juillet à Hambourg, en Allemagne, auquel participera le 45e président des États-Unis.
Dès son arrivée au pouvoir en janvier, le président américain avait retiré son pays du Traité transpacifique (TPP) signé avec 11 pays de la région Asie-Pacifique, dont le Japon, la troisième puissance économique mondiale. Il s’était ainsi montré cohérent avec sa volonté de favoriser en premier lieu l’Amérique, exprimée durant la campagne présidentielle.
Les Japonais s’étaient alors recentrés sur les négociations avec l’UE, au point d’en faire une priorité.
« Nous avons été capables de manifester une forte volonté politique afin que l’UE et le Japon hissent haut le drapeau du libre-échange », s’est félicité le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
Des chiffres impressionnants
Négocié depuis mars 2013 dans une quasi-indifférence, le JEFTA (Japan-EU free trade agreement) pèsera lourd : l’UE est le troisième partenaire commercial du Japon, tandis que le Japon et ses 127 millions d’habitants arrive en sixième position pour le Vieux Continent.
Des voix ont commencé à s’élever, notamment de la part d’ONG comme Greenpeace, depuis l’intensification des pourparlers pour dénoncer des négociations menées « derrière des portes closes ».
Selon une source européenne, le texte final couvrira « 99 % des échanges » entre les deux puissances.
Côté européen, le secteur agroalimentaire sort « grand vainqueur » des négociations : « Zéro droit de douane pour presque tous les produits alimentaires », selon cette même source.
Les deux parties ont bataillé jusqu’à la dernière minute pour parvenir à un compromis sur la question sensible des produits laitiers, et notamment des fromages importés des pays de l’UE, soumis à des taxes très élevées au Japon. Les détails sont, pour le moment, inconnus.
« Pour nos agriculteurs, c’est une grande chance d’arriver à pénétrer un marché avec un grand pouvoir d’achat, où l’on apprécie nos vins européens » et sur lequel « plus de 200 produits régionaux » seront protégés, a résumé Jean-Claude Juncker dans une tribune publiée le 6 juillet dans un quotidien allemand.
Les Japonais obtiennent de leur côté un libre accès au marché européen pour leur industrie automobile, mais seulement à l’issue d’une période de transition, qui ne devrait guère être éloignée des sept années réclamées par les constructeurs européens.
D’abord parce que les deux parties doivent maintenant s’entendre sur les détails techniques. Ensuite car un point de discorde majeur subsiste sur la délicate question du règlement des différends entre États et investisseurs.
Ce mécanisme très contesté par les ONG a par exemple permis à Philip Morris d’attaquer l’Uruguay pour sa politique anti-tabac ou au géant minier OceanaGold de poursuivre le Salvador pour lui avoir refusé un permis d’exploitation pour raisons environnementales.
Les Japonais sont favorables à un système d’arbitrage classique, à l’instar de ceux que l’on retrouve dans la plupart des accords commerciaux du monde.
Les Européens, eux, espèrent les convaincre d’accepter le principe novateur d’un tribunal permanent et aux audiences publiques, à l’image de celui qu’ils vont mettre en place dans l’accord récemment signé avec le Canada, le CETA.