Vous connaissez l’inconscient ? Sans nous replonger dans les œuvres complètes de Sigmund, c’est un peu le sens caché des choses. On fait, on dit des choses, mais on ne sait pas pourquoi. L’inconscient, lui, sait. Il a sa logique. Et parfois, elle affleure dans le monde conscient.
Après ce préambule en sciences humaines, passons au terrain. Le 27 décembre sort Vermines, un film de genre qu’on voit d’habitude chez les Américains. Il s’agit d’une bande de jeunes qui se trouve aux prises avec des vilaines araignées. La spécificité de Vermines, c’est que c’est 100 % français, avec tous les codes du genre (le genre est déterminé par un ensemble de codes très strict).
On commence par la bande-annonce, on envoie l’analyse après.
Il s’agit donc d’un film à la Alexandre Aja. Révélé par Haute Tension en France, il a réalisé pour les Américains La colline a des yeux et Piranha 3D, des cartons au box-office. Alexandre, passé par le lycée Montaigne, est le fils du réal juif de gauche Alexandre Arcady, à qui on doit Le Grand Pardon. C’est un aparté : le réal de Vermines s’appelle Sébastien Vaniček.
Là où ça devient intéressant, c’est que les protagonistes habitent dans des HLM en banlieue : ce ne sont plus les sempiternels étudiants issus de la jeunesse dorée à qui il arrive des bricoles pendant un week-end.
Vous allez nous dire, il y en a plein des films sur la banlieue. Oui, mais là, c’est un film de genre EN banlieue, SUR la banlieue, AVEC des banlieusards. On peut considérer le point de vue commercial et marketing qui veut que ce teen movie s’adresse à ceux qui vont le plus au cinoche, c’est-à-dire les jeunes des quartiers populaires, mais on peut y voir aussi une intention politique, sûrement pas très claire pour le réal, qui a juste voulu faire dans l’entertainment :
« On a fait le maximum pour faire le spectacle le plus sensoriel possible, voilà, on espère que ça va vous faire vibrer, et voilà, le cinéma c’est juste ça, vibrez bien et kiffez devant ce film. »
Wesh, une araignée islamiste, frère !
Bon, on y va, on se jette à l’eau : les vermines, incarnées par des araignées qui finissent par pulluler et tuer des gens, c’est le virus terroriste, ou islamiste, ou djihadiste, comme vous voulez. La nuance n’est pas très importante, l’inconscient ne fait pas vraiment dans la dentelle.
Ainsi, le film serait la tentative sous faux drapeau de faire prendre conscience aux jeunes de banlieue, tentés par l’islamisme ou la révolte (politique), de lutter contre cette menace. Qui les menace eux et la population tout entière.
En gros, c’est à vous les gars (et les filles) de détruire ce nid à problèmes. Naturellement, ça ne fonctionne pas comme ça dans la réalité, des jeunes partis combattre sur les terrains irako-syriens ne l’ont pas crié sur les toits, et leurs frères et sœurs ne pouvaient pas grand-chose contre leur radicalisation.
Donc tentative de culpabilisation de la jeunesse de banlieue sur une éventuelle radicalisation, c’est presque un scénario zemmourien. Là où cette hypothèse politique devient encore plus intéressante, c’est dans le parallèle avec la gauchisation des étudiants après Mai 68. À l’époque, pour le pouvoir, la menace c’est l’extrême gauche et la radicalisation pyramidale de groupes, qui mèneront à Action directe, à l’origine d’assassinats dits politiques (plus ou moins contrôlés par le pouvoir).
Gauchisation et islamisation
Ça ne vous fait pas tilt ? Une base étudiante gauchisée à mort, des groupes de moins en moins nombreux mais de plus en plus radicalisés, jusqu’au sommet de la pyramide, où une poignée de mecs (et de filles) passent à l’action. Pas étonnant que Jean-Marc Rouillan ait souligné le « courage » des assaillants du 13 Novembre ! (Le Parisien) avait été choqué :
« Questionné ensuite sur les terroristes, il lance que selon lui « ils se sont battus courageusement dans les rues de Paris en sachant qu’il y avait près de 3 000 flics autour d’eux ». « On peut dire plein de choses sur eux – qu’on est absolument contre les idées réactionnaires, que c’était idiot de faire ça – mais pas que ce sont des gamins lâches ». (...)
Jean-Marc Rouillan est ensuite interrogé sur ce qui différencie Daech d’Action directe. « Daech est très proche du capitalisme car c’est un mouvement basé sur le mortifère, le sacrifice, la mort, répond-il. Jamais dans la lutte armée d’extrême gauche que j’ai pratiquée, de 1968 jusqu’à la fin des années 1980, je n’ai connu le sacrifice. Jamais. Plutôt la joie de les combattre et un immense espoir de lumière, de lendemains qui chantent. Et je crois qu’ils sont encore devant nous. Malgré tout. »
Aux États-Unis, dès 1965, date des grands départs (sans retour pour 60 000 jeunes pauvres de 19 ans en moyenne) au Viêt Nam, la jeunesse s’est gauchisée (par rapport au pouvoir de droite de l’ordure Johnson) et radicalisée, et cela a fait vaciller l’empire américain, obligeant le pouvoir profond à agir (assassinats de Kennedy 2, de King, des victimes de Manson et probablement de Lennon).
En France, en 50 ans, la révolte contre l’injustice sociale est passée des étudiants blancs aux jeunes d’origine immigrée des quartiers populaires, avec la même mécanique de montée en radicalité. Et comme en Iran, sous l’influence du soft power américain (et de la CIA), la révolte a été dégauchisée et islamisée. Pour être ensuite montrée du doigt, et écrasée. Comme de la vermine.