Egalité et Réconciliation
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Unité Populaire et la Palestine : un soutien sans ambiguïté

A u moment où, dans l’opinion suisse, presque tout le monde éprouve à l’égard du sort de la Palestine une compassion et une solidarité spontanées, il peut paraître inutile d’avoir à nous justifier alors que nous pensons, nous aussi, comme presque tout le monde. Les précisions qui suivent, de toute évidence, vont sans dire, mais elles vont néanmoins encore mieux en le disant.

Oui, nous partageons la douleur et la colère du peuple palestinien, oui nous soutenons la légitime entreprise de résistance que ce peuple mène vaillamment malgré le déséquilibre des forces et oui nous assumons d’être qualifiés, si besoin, d’anti-sionistes. Nous l’assumons d’autant mieux qu’il n’y a rien là de sale ni de tendancieux, que cette opinion est aujourd’hui largement présente chez un grand nombre de nos compatriotes, et que même nos grands médias, d’habitude si prompts à se ranger derrière la bannière des puissances d’argent, n’hésitent plus maintenant à donner la parole aux victimes de ces agressions effroyables et à demander des comptes aux agresseurs. Après les dernières frappes sur Gaza, il semble que l’indignation, quasiment universelle, une indignation tout simplement humaine, ait fini, dans l’opinion publique, par prendre le pas sur les sirènes du politiquement correct et la peur des lobbys communautaires ; nous nous en réjouissons. Même Le Temps qui ne s’était pas privé de nous présenter comme des gens peu fréquentables précisément à cause de notre condamnation de l’agression israélienne [1], fait aujourd’hui son devoir d’information en révélant à ses lecteurs l’horreur des bombardements et la détresse des Gazaouis tentant de survivre dans les ruines. Il faut en effet rendre justice à ce qui est : le climat intellectuel suisse, malgré tous ses interdits, reste plus libre que bien d’autres en Europe. Il n’y a pas besoin de chercher loin, il suffit de regarder du côté de nos voisins français pour trouver une atmosphère toute différente : un président atlantiste (donc favorable au projet sioniste), un pouvoir politique qui a renoncé à la souveraineté nationale, une liberté d’expression qui se réduit chaque jour un peu plus, des milices communautaires ultra-violentes (type Ligue de Défense Juive) qui sèment la terreur chez les esprits critiques, une organisation religieuse (le CRIF) qui a ses entrées jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat, une armada d’intellectuels et de jet-setters autorisés toujours prêts à faire du lobbying dans les grands médias (Glucksmann, BHL, Attali, Arthur, etc.), des procès en série pour "antisémitisme", des cabales sans fin contre les libres penseurs, les Siné, Badiou, Soral, Kemi Seba, Dieudonné, Pierre Péan [2] …

Le jugement porté sur l’actuelle guerre au Proche-Orient ne saurait être conditionné par l’instrumentalisation du souvenir du génocide nazi, c’est justement dans ce type de parallèles irrationnels qu’on trouve les germes d’un racialisme suspect, qu’il soit de nature philosémite ou antisémite. Mettons donc en sourdine les vieilles polémiques historiques et concentrons-nous sur le présent et sur un autre nettoyage ethnique, dramatiquement actuel, qui est celui du peuple palestinien. Et pour cela, afin de clarifier le débat et d’éviter toute équivoque, rappelons ce qu’est objectivement le sionisme et pourquoi il nous paraît important de nous y opposer avec fermeté.

Le sionisme, projet qui consistait originellement à regrouper les juifs en Palestine, est aujourd’hui devenu un instrument de conquête qui défie la communauté internationale et qui nie à la fois l’existence du peuple palestinien ainsi que sa légitime aspiration à avoir également une terre et à fonder une nation. Nous pensons que les frontières de 1967, telles que défendues par les Nations Unies, sont un compromis correct. L’anti-sionisme ne nécessite évidemment pas le rejet des juif à la mer ni la destruction d’Israël [3] – qui est un état de fait, de jure et de facto – ni le retour aux frontières de 1948, ni à celles de 1937... Le droit international, constamment bafoué par l’un des camps, devrait être appliqué ; c’est ce que nous exigeons. Nous pourrions gloser des heures sur la légitimité ou l’illégitimité d’Israël en tant qu’Etat dans cette région du monde, mais il ne s’agit pas de refaire l’histoire mais de savoir ce qui peut raisonnablement être fait maintenant pour limiter la casse en préservant les droits fondamentaux des uns et des autres.

Nous espérons que ces précisions auront permis de clarifier les enjeux du débat et de démontrer une bonne fois pour toutes que notre positionnement en faveur de la Palestine est à la fois le résultat d’un choix géostratégique (nous refusons de collaborer avec l’axe atlantiste et nous appelons même au soutien de certains de ses adversaires) et l’effet spontané d’une solidarité légitime avec un peuple victime de ce qu’il faut bien appeler une entreprise planifiée d’extermination. Cessons donc de vouloir diviser les amis de la Palestine entre bons et mauvais, cessons de mêler à cette affaire strictement politique des considérations fumeuses sur un fantasmagorique "antisémitisme", et cessons surtout d’accuser de sympathies fascisantes ceux qui sont aujourd’hui les plus irréductibles ennemis du fascisme moderne.

Unité Populaire, mars 2009

Notes

[1] ’’Le Temps’’ nous apprenait qu’il existait de bons et de mauvais anti-sionistes et que nous figurions dans la liste des mauvais, mais il ne nous donnait guère de critère objectif pour opérer cette discrimination et séparer le bon grain de l’ivraie, si ce n’est que les patriotes, les musulmans et les chrétiens n’étaient pas les bienvenus dans des manifestations pro-palestiniennes contrôlées par les gauchistes bien-pensants… Diviser pour mieux régner, une fois encore.

[2] Dans l’ordre : un anarchiste, un maoïste, un marxiste dissident, un anti-colonialiste, un humoriste et un critique du droit d’ingérence kouchnérien ; pas vraiment des profils de gens d’extrême droite…

[3] Tout cela, encore une fois, devrait aller sans dire mais les « chasseurs » professionnels d’antisémites ou supposés tels ont trop souvent tendance à considérer l’anti-sionisme comme un désir de destruction d’une nation ou une remise en cause radicale de son existence – ce qui les pousse à mettre les anti-sionistes dans le même panier que les antisémites et autres négationnistes.