Egalité et Réconciliation
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[Unité Populaire] Mise au point de David L’Épée : réponse à SolidaritéS

David L’Épée est le coordinateur d’Unité Populaire, la section suisse d’Égalité & Réconciliation. Dans la vidéo et le texte ci-contre, il répond à des attaques récemment formulées par SolidaritéS, une formation trotskiste locale à laquelle il a appartenu par le passé, et clarifie son engagement.





Chers ex-camarades trotskistes, chers membres de SolidaritéS,

En ce mois de juillet ensoleillé, je profite d’une petite pause pour vous adresser mes salutations et répondre en quelques mots à certaines attaques lancées contre moi çà et là par votre parti. Parti qui a été aussi le mien durant quelques années et dans lequel j’ai exercé les fonctions de secrétaire politique, au sein de la section neuchâteloise, jusque vers le milieu de l’année 2006. Voilà donc déjà deux ans que nos routes se sont séparées, et pourtant, certains journalistes font encore l’amalgame entre vous et moi, ce qui vous agace et ce qui ne m’est pas non plus très agréable. Croyez bien que je le regrette autant que vous. Vous avez bien fait de mettre les points sur les i via internet en rappelant – je vous cite – qu’il y avait « un abîme » entre vous et moi, et j’insisterai à deux fois, la prochaine fois qu’Unité Populaire aura à faire aux médias, pour qu’il ne soit fait aucune référence à SolidaritéS, qui n’a pas à être mêlé à nos actions politiques. En ce qui me concerne, je ne regrette rien : se reprocher les choix idéologiques qu’on a faits à dix-huit ans n’a pas grand sens et il y a dans la vie un temps pour tout – un temps pour l’aventure, un temps pour la maturité. Je garde de ces quelques années de militantisme trotskiste des expériences formatrices, une sensibilisation intéressante aux grands problèmes du monde et de bon souvenirs de camaraderie.

Ce point étant clarifié, il y a une ou deux autres choses sur lesquelles j’aimerais également revenir, non pas que je veuille vous convaincre (je crains que ce soit cause perdue), mais parce que j’estime que je dois tout de même quelques explications à des gens avec qui j’ai milité durant plusieurs années et qui ont contribué grandement à ma formation politique. Je ne suis pas du genre à donner des leçons, surtout pas à mes aînés – ce serait le comble de l’arrogance – mais je crois tout de même que le conflit d’idées qui nous oppose aujourd’hui est en partie d’ordre générationnel. Comme la plupart de nos camarades d’Unité Populaire, je n’ai connu ni les Trente Glorieuses ni Mai 68. Nous sommes nés et nous avons grandi dans un monde très désenchanté où les grandes idéologies du XXe siècle étaient déjà moribondes, et c’est la raison pour laquelle nous avons assez vite compris que c’est le pragmatisme qui doit être mis au service de l’idéal, et non pas le dogme, qui, comme l’écrivait Malraux, ne vaut pas plus que de la bouse de vache.

Pour moi qui, élevé dans une famille protestante apolitique, me suis formé au marxisme de façon autodidacte (et avec votre aide), j’ai très jeune opté avec conviction pour la voie socialiste et, tant que j’aurai toute ma raison, je resterai fidèle à cette voie-là. Mais être vraiment socialiste, ce n’est pas faire le jeu du purisme aride et de l’orthodoxie stérile, ce n’est pas se condamner soi-même, se fermer toutes les portes et toutes les possibilités d’actions en ressassant de vieilles idées archaïques qui n’inspirent généralement que scepticisme à nos contemporains. Non, être socialiste, de manière moderne et décomplexée, c’est se donner les moyens concrets de faire appliquer un jour cette ligne socialiste, ou quelque chose qui s’en rapproche ; c’est faire coïncider le socialisme avec les intérêts réels de la plus grande partie du peuple – le monde du travail étant, je vous le rappelle, la base sympathisante naturelle, historique, du socialisme, ce que la plupart des partis de gauche ont malheureusement tendance à oublier. Pour paraphraser Jean-Claude Michéa, qui a fait un très bon travail de synthèse sur la question, je dirais que nous sommes trop socialistes pour être complètement de gauche…

Les étiquettes partisanes, auxquelles d’ailleurs plus grand monde ne croit, nous importent peu : nous voulons lutter contre les ravages de l’ultralibéralisme et cette lutte, aujourd’hui, passe nécessairement par la lutte contre la mondialisation. Or, on ne lutte pas contre la mondialisation avec des concepts aussi chimériques et ambigus que l’altermondialisme (que Marx aurait certainement trouvé grotesque !) mais avec des constructions sociales réellement existantes et jouissant dans l’opinion d’une vraie identification populaire. La plus solide de ces constructions sociales, c’est la nation. Tirer les conséquences logiques de cet engagement, qui est un vrai engagement socialiste, implique de remettre en question un certain nombre de positions dogmatiques hélas encore défendues bec et ongles par la gauche d’aujourd’hui, sur des points aussi cruciaux que l’immigration ou le multiculturalisme. De votre point de vue, toucher à ces vaches sacrées fait de nous des « déviationnistes » (l’extrême gauche, dans sa longue tradition stalinienne, a toujours été friande de la chasse aux hérétiques) mais cela ne fait certainement pas de nous, comme vous le suggérez avec une mauvaise foi confondante, des gens de droite ! Est-ce une ambition de droite que de vouloir refonder un vrai mouvement populaire ? Est-ce une ambition de droite que de vouloir combattre le libéralisme en s’appuyant sur le patriotisme de nos concitoyens ? Est-ce une ambition de droite que de critiquer les dérives libertaires des forces politiques en présence ? Est-ce une ambitions de droite que de renouer avec le monde du travail en défendant les valeurs sociales et sociétales qui lui sont les plus chères ? Si nous sommes de droite, alors Georges Marchais l’était également. Si nous sommes des fascistes, alors Hugo Chavez est le plus grand fasciste de tous les temps !

Restons sérieux. Unité Populaire n’a pas été créée sur un coup de tête, cela fait plus de deux ans que nous étions plusieurs à penser à un projet de ce type. Mon départ pour l’étranger, mi-2006, a coïncidé avec ma démission de SolidaritéS et a marqué le début pour moi d’une longue remise en question et d’une longue autocritique – autocritique qui, je vous le concède, est tout de même plus facile à faire à vingt-cinq ans qu’à cinquante. J’ai ensuite vécu une année en Chine, où, tout en voyageant, en étudiant la langue et en prenant des notes pour un livre, j’ai eu tout le loisir, loin de la Suisse et des affaires, de marquer une pause, de respirer un peu et de réfléchir. Considérant, pour la première fois, la Suisse et l’Europe de l’extérieur, j’ai été amené à me libérer de certaines attaches partisanes, à interroger mes propres préjugés et à me poser une série de questions sur l’identité, la démocratie, la justice sociale, la nation, les valeurs de notre peuple. Lorsque je suis rentré au pays, il y a moins d’un an, mes idées étaient déjà plus claires, j’ai commencé à prendre des contacts dans plusieurs régions de Romandie, j’ai constaté qu’il existait une vraie demande pour ces idées qui sont aujourd’hui les nôtres, et nous avons fondé Unité Populaire. Réunissant autour de nous des gens d’origines diverses, Suisses ou immigrés, mais tous patriotes et préoccupés du bien commun, des jeunes et des moins jeunes, des travailleurs, des apprentis, quelques étudiants, des mères de famille, nous avons opté pour une ligne sociale et souverainiste, une ligne démocratique de remise en cause de l’ordre libéral et mondialiste, une ligne qui a ramené à nous à la fois des précaires et des petits salariés et à la fois des petits entrepreneurs et des employés de grandes multinationales dégoûtés du modèle d’entreprise américain. Ont également répondu à notre appel des déçus de la gauche et des déçus de la droite, beaucoup d’apolitiques surtout, des gens qui, à l’image de nombre de nos concitoyens, reprochent à la gauche son angélisme et son déni des valeurs populaires et reprochent à la droite son cynisme, son mépris des petits et son capitalisme à tout crin. Contre la gauche bobo et la droite financière, nous proposons à celles et ceux qui veulent nous rejoindre une ligne d’unité populaire – appelez-la « gauche nationale » si vous préférez – seule susceptible de maintenir l’équilibre social et la souveraineté de notre pays.

Voilà quel était le fond de mon autocritique et voilà les questionnements que je soumets à votre réflexion, en vous invitant à faire vous aussi ce travail de remise en perspective, un travail nécessaire et une bouffée d’air pur pour qui souhaite sincèrement un avenir plus juste et plus sain pour nos enfants. Les vrais patriotes et les authentiques socialistes me comprendront.

Quoi que vous puissiez penser à présent et quelles que soient les réactions que vous inspireront demain nos prochaines actions, soyez assurés que vous trouverez toujours chez nous des interlocuteurs attentifs avec qui débattre, tout cela dans le respect et la courtoisie propre à la tradition démocratique de notre pays. Confiants dans la légitimité de nos idées et assumant pleinement notre positionnement politique, notre démarche reste celle de la main tendue. La prendra qui veut.

David L’Épée

Source
 : http://www.unitepopulaire.org