Loïg Chesnais-Girard, le président de la région Bretagne :
« Quand on vend du steak haché – c’est-à-dire du muscle –, on ne met pas du gras, de la peau et d’autres choses ! On n’appelle pas ça steak haché et on ne fait pas de l’argent avec ! Tous les acteurs qui trichent doivent être condamnés. »
Cette affaire est intéressante à plus d’un titre pour ceux qui s’intéressent à l’Europe en tant que terrain de jeu des trafiquants de la mafia. Car la mafia italienne, il y en a trois mais on ne va pas entrer dans les détails, a compris que le marché de l’agroalimentaire pouvait générer de confortables bénéfices sans tirer un coup de feu.
Voici un topo de Wikiagri :
« L’opération Opson IV s’est déroulée, quant à elle, entre décembre 2014 et janvier 2015. Elle a permis de saisir dans 47 pays, dont la France et 20 autres pays membres de l’Union européenne, pas moins de 2 500 tonnes de produits frelatés, qui auraient dû être commercialisés, et de procéder à plusieurs arrestations. Les produits en question étaient des aliments, comme des fraises, des œufs, de l’huile, des fruits secs ou de la mozzarella, ainsi que des boissons, mais aussi des compléments alimentaires.
[...]
Grâce à ces différentes opérations, on a pu ainsi prendre pleinement conscience du fait que les groupes criminels ne s’intéressent pas qu’aux trafics de drogue, d’êtres humains ou d’armes, mais aussi de plus en plus à l’agroalimentaire. Ainsi, pour Interpol, “les résultats de l’opération Opson montrent clairement l’ampleur de la menace que constitue la fraude aux denrées alimentaires, qui touche tous les types de produits et les régions du monde”. »
Avec l’affaire des 780 tonnes de steaks hachés bidon vendus aux associations caritatives françaises (mais il y en a peut-être d’autres en Europe qui ont pâti de cette arnaque), nous sommes dans le cas d’une contrefaçon à grande échelle :
« Ce trafic de marchandises illicites peut prendre plusieurs formes. La première est la contrefaçon, un produit de contrefaçon de moindre qualité se substituant alors à des produits authentiques. Dans ce cas, certains ingrédients-clefs du produit en question sont remplacés par des substituts moins chers. »
Viande et cocaïne subissent la même « coupe » !
Il n’est pas étonnant de voir que la mafia s’est emparée de ce secteur car le principe est le même qu’avec la drogue. C’est simple : la mafia achète le produit de base en Bolivie ou au Mexique, sinon en Colombie.
La cocaïne est acheminée par bateaux (on parle maintenant de narcosous-marins) en Europe où elle est retraitée, c’est-à-dire coupée par les organisations criminelles. Nous sommes là au niveau du supergrossiste. Les tonnages sont coupés au moins à 50% et à chaque étape de coupe ou de revente, on augmente le taux de non-cocaïne dans la came. À l’arrivée, dans la rue ou dans les boîtes de nuit, la coke n’a plus que 5 à 10% maximum de produit pur. Le reste c’est du produit chimique qui ne coûte pas grand-chose :
« Si certains adultérants sont ajoutés dans les pays de production, la phénacétine est souvent d’origine hispanique, ce qu’attestent les nombreuses saisies du produit dans ce pays et dans le sud de la France. On la trouve facilement sur internet pour moins de 100 euros le kg. Le choix entre ces produits de coupage semble essentiellement dicté par leur disponibilité dans les pays de production, transit et stockage, et non pour contrebalancer des effets secondaires spécifiques de la cocaïne comme on l’a parfois laissé entendre. En 2009, le kilo de cocaïne pure à 60%-70% vaut environ 32 000 euros aux Pays-Bas. Les mêmes fournisseurs proposent la lidocaïne à 1 200 euros le kg. Un kg de cocaïne rallongé avec 1,5 kg de lidocaïne (proportion fréquente) = 2,5 kg d’une cocaïne à 20%-30% vendue 35-40 euros le gramme (bénéfice direct : 50 000 euros) aux intermédiaires et détaillants qui la recoupent encore, en général, et la revendent à 50-60 euros le gramme. Le teneur finale se situe entre 5% et 20% en moyenne. »
« Prenez des copeaux de viande, appliquez une colle extraite de plasma sanguin animal et laissez reposer. Vous obtenez un morceau de viande tout neuf que les supermarchés vendent sous vide avec une étiquette mentionnant la présence de “viande reconstituée”. Ce scénario, courant aux États-Unis, aurait pu devenir réalité en France si le Parlement de Strasbourg n’avait pas adopté mercredi une résolution retoquant l’application d’une telle recette. » Le Figaro du 19 mai 2010)
On reprend notre parallèle, qui n’est pas une démonstration mais une illustration. On part de viande de vache plus ou moins malade (on n’est pas dans le wagyu là), que l’on coupe avec de la peau, du nerf, du gras, du soja, des additifs divers (goût, couleur, tendreté) et à l’arrivée, comme pour les 780 tonnes de merde livrées aux pauvres, on a 5% de viande max dans le steak final, exactement comme la coke revendue à Beigbeder et ses amis. Même si le dealer des stars affirme que sa coke à lui était la plus pure et la plus recherchée du marché. En vérité, une coke, même revendue à des Chirac, à des Delarue ou à des Beibeder, ne dépasse pas 20-30% de pureté : les dealers et les mafieux ne sont pas des anges, ce sont des requins déguisés en pharmaciens.
Du coup on se dit que cette affaire des 7 millions de faux steaks va rebondir du côté des mafias... Le président de la région Bretagne vient peut-être de découvrir que l’adresse de la société de négoce n’est qu’un écran pour quelque chose de plus gros...
« L’homme était alors président-directeur général de Viktoria Invest, un holding spécialisé dans l’hôtellerie, l’immobilier et les casinos en France et au Cambodge. Il en détenait 25% du capital, selon le rapport annuel de 2017 mis en ligne. Au début de l’année 2019, Viktoria Invest est redevenue Électricité et eaux de Madagascar, son nom d’origine. »
Suit l’article de France 3 Région sur la société Voldis à partir de l’enquête de Libération.
L’une des sociétés impliquées dans cette affaire indique un siège social à Loudéac, une commune de 10 000 habitants du sud des Côtes-d’Armor. Problème : sur place, pas d’entreprise liée à l’agroalimentaire, l’adresse s’apparente plutôt à une boîte-aux-lettres.
C’est une affaire qui ne fait que commencer et qui est loin d’avoir livré tous ses secrets... Il y a quelques jours, plusieurs associations d’aide alimentaire ont demandé réparation après avoir découvert qu’on leur avait distribué de « faux steaks hachés ».
Une affaire qui rebondit aujourd’hui dans les Côtes d’Armor. Parmi les sociétés soupçonnées de participer à ce réseau de distribution alimentaire : Voldis, une entreprise qui indique au Registre du commerce et des sociétés (RCS) une adresse à Loudéac comme siège social.
Sur place, pas d’écriteau « Voldis », ni d’entreprise spécialisée dans l’agroalimentaire. Mais une maison particulière appartenant à une commerçante de la commune. En voyant la photo de sa maison circuler sur les réseaux sociaux et les sollicitations médiatiques, elle commence à perdre patience.
« Je suis en colère ! »
Il faut dire que tout prête à confusion : une adresse identique et une présidente de la société Voldis, Géraldine Barthélémy, qui porte le même prénom que cette habitante. Mais la commerçante loudéacienne l’assure : « Je ne les connais pas, je n’ai pas affaire à eux ! » Cette Loudéacienne qui a acheté cette maison il y a une dizaine d’années poursuit : « Je suis vraiment en colère parce que je vois l’image de ma maison partout sur les réseaux sociaux ». Samedi après-midi, son conjoint a déposé une main courante au commissariat.
Intérim
Autre bizarrerie : à la même adresse figure une deuxième parcelle de terrain, occupée par Flèche interim. Cette agence est contrôlée par Valéry Le Helloco, également propriétaire de Voldis, selon nos confrères de Libération qui ont notamment retrouvé une déclaration à l’Autorité des marchés financiers en date d’octobre 2017.
L’homme était alors président-directeur général de Viktoria Invest, un holding spécialisé dans l’hôtellerie, l’immobilier et les casinos en France et au Cambodge. Il en détenait 25% du capital, selon le rapport annuel de 2017 mis en ligne. Au début de l’année 2019, Viktoria Invest est redevenue Électricité et eaux de Madagascar, son nom d’origine.
Déclaration de Viktoria Invest à l’Autorité des marchés financiers
Rapport annuel 2017 de Viktoria Invest
Boîte-aux-lettres
À Loudéac, Géraldine, la commerçante, recevait parfois des courriers adressés à l’entreprise voisine. Des courriers qu’elle retransférait dans la bonne boîte-aux-lettres. Si l’agence d’intérim indique bien un « bis » dans son adresse, ce n’est pas le cas de celle que Voldis a renseigné au RCS.
Difficile d’en savoir plus sur Voldis et sur Valéry Le Helloco. « Je n’ai jamais été en contact avec cette personne et cette entreprise n’a jamais été accompagnée par la région Bretagne », affirme Loïg Chesnais-Girard, le président du conseil régionnal.
Le maire de Loudéac, commune de près de 10 000 habitants, lui aussi, n’en sait pas vraiment plus. « Je n’ai jamais été en contact avec cette entreprise », indique Bruno Le Bescaut. Loïg Chesnais-Girard poursuit : « à ma connaissance, il n’y a pas 30-40-50 salariés qui travaillent pour Voldis, il doit y en avoir 1 ou 2, c’est du négoce ».
Visiblement, le siège social de Voldis s’apparente de plus en plus à une boîte-aux-lettres sans réelle activité sur place.
Pas de transformation des steaks en Bretagne
Voilà pour l’aspect administratif. Du côté de ces "faux steaks hachés", composés essentiellement de gras et de tissus de mauvaise qualité, les deux élus affirment que jamais elles n’ont transité par la région. Loïg Chesnais-Girard : « À aucun moment, cette matière n’est sortie d’un atelier breton. »
Lire l’article entier sur france3-regions.francetvinfo.fr
Une solution aux arnaques qui va ravir les vegans jusque-là privés de hamburgers, le steak haché sans viande et avec goût :