Poser la question, c’est y répondre partiellement et par l’affirmative, oui ! La Chine est en effet décidée à faire valoir ses droits sur les îlots disputés de Senkaku situés dans une zone lourde de promesses en hydrocarbures… et les États-Unis sont tout aussi déterminés à contenir par tous moyens l’expansion chinoise dans le bassin pacifique.
La course à la Lune est d’ailleurs à présent engagée entre les deux superpuissances pour savoir qui, de la Chine ou des États-Unis, mettra le premier le pied sur le sol lunaire à l’horizon 2020/2030. Pékin vient d’administrer la preuve ce mois de décembre de ses avancées techniques : Chang’e 3 [Séléné] a déposé le 14 décembre 2013 sur notre satellite un impressionnant véhicule automatique baptisé Yutu. Les Japonais ne sont pas en reste, qui envisagent l’installation d’une base robotisée dans moins de dix ans… Parce qu’en tout état de cause les matériaux qui offriraient aux humains une protection suffisante aux radiations au-delà des Ceintures de Van Allen n’ont pas encore été mis au point [1]
Senkaku, zone de confrontation planétaire
La colère chinoise et les protestations formosanes qui montent depuis septembre 2012 à propos des îles Senkaku – ou Diaoyu selon leur appellation chinoise – ont démarré avec l’achat par Tokyo à un homme d’affaires nippon de trois des cinq îlots de l’archipel pour la somme de 2,05 milliards de yens [21 millions d’euros].
Intégré au domaine patrimonial japonais depuis la fin du XIXe siècle et l’ère Meiji, les îles Senkaku, situées à quelque 200 milles nautiques des côtes de la Chine et du Japon, auront été en quelque sorte occupées par l’empire du Soleil levant pendant presque un siècle. Or en 1945, lorsque les Chinois reprennent possession de Taïwan, ils ne demandent pas la restitution des îles, qui sont alors placées sous administration américaine en même temps que l’île d’Okinawa. Alors que les Senkaku sont revenus dans le domaine national japonais à l’occasion de la rétrocession d’Okinawa par Washington en 1972, les revendications de Pékin et de Taipeh sur ces îlots remontent elles… à 1969. Après la découverte, dans le plancher maritime de cette zone insulaire d’importantes réserves d’hydrocarbures, gaz et huile lourde. Un rapport japonais de 1994 – cependant sujet à caution – évalue à 3,26 milliards de barils le potentiel des gisements situés dans la partie considérée comme nippone de la zone maritime en litige. Depuis, les incidents se sont multipliés et sont allés crescendo toutes ces dernières années. Ajoutons que ces îles se trouveraient apparemment incluses dans le champ d’application du Traité de coopération et de sécurité mutuelle nippo-américain signé en 1951. Ce qui signifierait que toute attaque contre elles pourrait être considérée comme un casus belli par Washington !
Or en dépit d’une intrication croissante des économies sino-japonaises, Pékin et Tokyo semblent aujourd’hui engagées dans une fort dangereuse escalade. Spirale ascendante que le moindre indicent vient alimenter. Ainsi le Premier ministre nippon Shinzo Abe s’est-il rendu au sanctuaire mémorial de Yasukuni où se trouvent les cénotaphes de plusieurs criminels de guerre de « classe-A ». Il est à présumer que le risque d’une confrontation – a priori limitée ? – existe bel et bien : en Asie tout est possible sauf de perdre la face, et de ce point de vue l’on ne voit pas comment aujourd’hui l’un et l’autre des super protagonistes pourrait reculer. Sauf éventuellement à ce que Tokyo dénationalise les îles et les confie, par exemple, à une fondation qui en ferait une réserve naturelle [2] ! Hélas les solutions les plus élégantes sont rarement celles qui sont finalement choisies… surtout quand de réels intérêts énergétiques, voire géostratégiques sont en jeu… car les îles sont pour la Chine sur le chemin d’accès aux grands espaces océaniques !
Alors ? Un arbitrage international paraît de prime abord exclu. Les Japonais refusent de reconnaître qu’il y a conflit de souveraineté, puisque par principe ces îles leur appartiennent [3]. Resterait une renégociation/actualisation – improbable – des accords bilatéraux sino-japonais de septembre 2006, établissant des règles strictes destinées à éviter tout incident préjudiciable à la sécurité régionale. Ce qui constituerait un indéniable garde-fou au vu des démonstrations de force aéronavale que prodiguent actuellement l’une et l’autre partie. Et la Chine tout particulièrement, peu avare de postures agressives.
En tout cas, chez nos alliés Yankees, apparemment, la question préoccupe beaucoup, à tel point que les hangars des bases américaines du Pacifique et de l’océan Indien ont fait le plein de missiles de croisière, de drones Global Hawk, de missiles antisurfaciers, et que les bombardiers stratégiques B-52 sont fin prêts au décollage.
Léon Camus, 6 janvier 2014
Voir aussi, sur E&R : « Les ambitions contrariées de la Chine » (par Aymeric Chauprade)