En 1958, lorsque le général de Gaulle revient au pouvoir, certains commentateurs et représentants de la classe politique s’ingénient à le qualifier de « dictateur ».
D’où la réplique du Général restée célèbre : « Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? »
Dès la fin de la guerre d’Algérie, le Chef de l’Etat propose de modifier la constitution de la Ve République en instaurant l’élection du Président de la république au suffrage universel, complétant ainsi la démocratie directe initiée depuis 1958 par l’utilisation du référendum.
Dès lors, le Général et son gouvernement Pompidou doivent faire face à des oppositions partisanes. De Paul Reynaud évoquant un « viol de la constitution » au vote d’une motion de censure initiée par le « cartel des Non » composé des partis politiques encore attachés aux pratiques de la IVe république, à savoir CNI, MRP, Parti Radical, PC et SFIO (Socialistes), le ton est donné : à leurs yeux, l’élection du Président de la République au suffrage universel est la marque d’un pouvoir personnel que le général de Gaulle entend affermir.
Le référendum victorieux, puis les élections législatives qui le suivent immédiatement avec le succès du parti gaulliste UNR-UDT, donnent au général une majorité stable qui va lui permettre de gouverner dans les meilleures conditions.
Très vite, Gaston Monnerville, Président du Sénat, décide de s’opposer au Général, ce qu’il n’aura de cesse de faire durant toute sa Présidence, qualifiant son action et celle du gouvernement Pompidou de « forfaiture ».
Affirmer que le premier chef de l’Etat de la Ve République avait tous les pouvoirs est plus qu’une erreur ; c’est un mensonge.
Et ce refrain, maintes fois repris par les partis de gauche et du centre, fait encore des émules aujourd’hui. Jusqu’à la proposition du socialiste Arnaud Montebourg d’une VIe République, sans jamais la définir ni même préciser les principes, mais laissant deviner une très forte probabilité de revenir sur la réforme de 1962 relative à l’élection au suffrage universel du Président de la République Française. Un goût de revanche alors que le peuple l’a validée très largement au cours des cinquante dernières années. L’élection présidentielle n’est-elle pas la grande respiration de la démocratie dans notre pays ?
Ceci dit, une fois au pouvoir, la gauche a toujours pris bien soin de ne pas mettre en débat la réforme constitutionnelle qui revient à chaque campagne électorale. Cela fut le cas de François Mitterrand, et ce malgré ses écrits fustigeant la constitution et le pourvoir personnel gaulliste. Cf « Le coup d’Etat permanent », puis en 1972 dans son programme « La rose au poing » dont il est utile de rappeler quelques lignes : « Nous vivons sous l’empire de la Constitution de 1958. Cette Constitution a été proposée par le Général de Gaulle aux Français qui l’ont votée à la majorité de 80 %. Elle est maintenant, ou devrait être, la loi de tous… Or, elle est très imparfaite, très incorrectement appliquée par celui qui a pour devoir de veiller sur elle, je veux dire le président de la République (…).
Quatorze ans ont passé (…). La Constitution de 1958, née d’un compromis, a été déséquilibrée par la révision de 1962 qui a décidé de l’élection du président de la République au suffrage universel. Elle a également été déformée par l’usage qu’en ont fait jour après jour les deux présidents de la Ve République. Elle n’est plus qu’un cadre vide depuis que le Général de Gaulle a, le 31 janvier 1964, fondé la nouvelle théorie du pouvoir qui nous régit aujourd’hui. J’extrais de cette conférence le passage essentiel : « L’autorité indivisible de l’État est déléguée au président par le peuple qui l’a élu et il n’y a aucune autorité ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne puisse être conférée ou maintenue autrement que par lui ». »
Pendant ses deux mandats, y compris la période de cohabitation 86-88, François Mitterrand a bien revêtu les habits constitutionnels du général de Gaulle.
La pratique du référendum, pièce maîtresse de la constitution gaulliste est elle aussi contestée. Par la gauche qui l’a toujours combattue, mais aussi par la droite la plus dure, comme ce fut le cas du Président Sarkozy qui n’a pas tenu compte du « Non » majoritaire au référendum de 2005 sur le projet giscardien de constitution européenne en faisant adopter le traité de Lisbonne (Copie du traité constitutionnel) par la seule voie parlementaire.
A la veille d’échéances importantes en 2012, le décor est à nouveau planté et nous allons pouvoir assister à un nouvel acte de cette saga anti-gaulliste. Aujourd’hui, la gauche est majoritaire dans les communes, dans les Départements et Régions, mais aussi, conséquence totalement mathématique, au Sénat dont elle a pris la Présidence.
Demain, si le peuple décide, comme c’est son droit (Démocratie oblige !) de confier au candidat PS François Hollande les clefs de l’Elysée et de lui donner, dans la foulée, une majorité à l’Assemblée nationale, alors le PS et ses alliés seront majoritaires partout.
Faudra-t-il alors parler de « dictature » ?