Conseiller des élites de gauche à droite, chroniqueur médiatique infatigable, fondateur d’ONG ou d’organismes financiers plus ou moins privés, Jacques Attali, devenu prophète en son pays nous livre sa vision de l’avenir, révélant une nouvelle face de son talent protéiforme.
« L’histoire voit la justice fluer et refluer mais elle possède une dimension visible définie par la Liberté et par l’Auteur de la Liberté. » Cette phrase extraite d’un discours du dernier président américain, incarne l’idéologie de l’ordre marchand : depuis toujours la confrontation entre nomades et sédentaires apporte à l’humanité prospérité et liberté. Le basculement de l’ordre impérial vers l’ordre marchand organise un retour au nomadisme : l’individualisme marchand figure du matérialisme triomphe face au royaume du prince, incarnation du politique. L’histoire généralise la liberté en canalisant les devoirs de l’humanité vers leurs seules expressions mercantiles, achevant l’unification des sociétés autour d’un marché planétaire. Ce marché tout puissant qu’Attali nomme hyperempire déconstruit les services publics en vidant les gouvernements de leurs dernières prérogatives. Pendant que les entreprises sous contrôle d’institutions financières gênèrent leurs propres normes hostiles au cadre national, les agences de notation assurent progressivement la nouvelle gouvernance.
La FIFA qui impose ses règles sportives, économiques voire politiques à l’ensemble des nations illustre la montée en puissance de ces nouvelles organisations « hors sol » dirigées par des élites ultralibérales.
Alors que la disparition de la souveraineté des états laisse déjà la place aux entreprises pirates et aux crises de toutes natures, les peuples humiliés ne devraient pas tarder à refuser la suprématie du marché.
Le rapporteur officiel des 316 propositions pour la libéralisation de la croissance française, est persuadé que le désordre financier qu’il a lui-même encouragé va permettre la création d’une nouvelle étape historique. L’échec de l’hyperempire et les menaces d’un conflit majeur conduiront les démocraties à trouver assez de ressort pour vaincre ces pulsions destructrices. Une nouvelle civilisation naîtra alors, constituée des résidus des nations bâtissant une démocratie planétaire. La démocratie mondiale qualifiée d’hyperdémocratie pourra légitimement disposer des techniques de surveillance afin d’équilibrer le marché et prévenir les troubles.
« Quand le marché aura pris assez d’ampleur pour promouvoir l’unité du monde et que les déséquilibres menaceront fortement l’humanité, le temps d’une civilisation radicalement nouvelle sera venu. Avec la finalisation d’une intelligence collective, l’histoire de l’homo sapiens sapiens trouvera son terme dans le dépassement. »
Ce livre programme qui donnera des sueurs froides à tous les opposants au nouvel ordre mondial a le grand mérite de détailler sans faux-semblant la planification missionnaire de Jacques Attali, dialecticien le plus écouté de notre république.
Dominique Vaugeois - E&R