En visite officielle aux États-Unis, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a livré quelques détails sur la posture militaire à venir de la France en Afrique, lors d’un discours prononcé ce 24 janvier devant le Center for Strategic and International Studies.
Tout d’abord, le ministre a donné les raisons pour lesquelles le continent africain revêt une importance toute particulière aux yeux de la France, et, plus généralement, à ceux de l’Europe. Les « liens historiques » en font bien évidemment partie. Mais pas seulement.
« L’Afrique du 21e siècle présente à la fois un potentiel immense de croissance économique et de développement humain et des défis de défense et de sécurité qui sont de premier ordre », a-t-il en effet avancé. L’argument humanitaire, généralement avancé pour justifier telle ou telle opération, a été évacué.
Cela étant, l’une des menaces concernant l’Afrique est celle des « États faillis », comme on le voit actuellement en Centrafrique, avec le risque de voir proliférer des groupes armés et terroristes et des pays déstabilisés.
« Le continent africain est (…) à l’aube de profondes mutations, d’ordre social, économique, démographique, politique et environnemental. Ces évolutions sont porteuses d’opportunités, et aussi source de nouvelles menaces, qui sont pour la plupart transnationales. Certaines – les trafics, le terrorisme djihadiste – constituent le revers de l’insertion nécessaire et souhaitée de l’Afrique dans les circuits de la mondialisation », a ainsi fait valoir Jean-Yves Le Drian. « Ce sont ces vulnérabilités qui constituent, à nos yeux, un risque majeur », a-t-il insisté. Non seulement pour l’Afrique mais aussi pour la sécurité internationale.
Bien évidemment, la menace jihadiste et terroriste figure en tête de celles cités par M. Le Drian. « Nous ne pouvons pas permettre que se réimplante, au Mali ni dans aucun autre État de la région, une menace comparable à celle qui a motivé notre intervention en janvier 2013 (ndlr, Serval) », a-t-il affirmé, après avoir avancé que la « Libye représente un défi de premier rang » et que « nous serons obligés d’aider les pays voisins à se prémunir du chaos libyen ».
Répondre à ces défis sécuritaire passe par une meilleure coopération entre les États africains. Ces derniers ont pris quelques initiatives en ce sens, que ce soit en Somalie (AMISOM), au Mali (MISCA) et, plus récemment, en Centrafrique (MISCA). Seulement, les capacités de leurs forces armées ne leur permettent pas toujours de faire face à des situations compliquées.
Cela étant, la France est prête à les appuyer, comme l’a rappelé M. Le Drian. « Nous répondrons par ailleurs présents aux sollicitations de nos partenaires pour la formation et le conseil à leurs forces armées », a-t-il dit. Dans le même temps, le dispositif militaire français d’ensemble sera « adapté, pour mieux répondre à ces nouvelles exigences sécuritaires ».
Le ministre n’a pas donné tous les détails de cette réorganisation. L’on sait que, l’été prochain, les effectifs de la force Serval seront ramenés à 1 000 hommes. Il n’est pas prévu que cette présence soit permanente. Mais l’on a vu du provisoire durer… En janvier, M. Le Drian avait affirmé que « la plateforme de N’Djamena (ndlr, opération Épervier) aura un rôle central » dans cette « réarticulation » parce qu’il « nous faut anticiper, dissuader les menaces qui pèsent sur cette région ». D’ailleurs, la base tchadienne sert de support à deux opérations simultanées (Sangaris et Serval).
Quant aux annonces faites par le ministre devant le CSIS, elles concernent 4 pays africains dans lesquels les forces armées françaises sont présentes. Ainsi, a-t-il dit, ces dernières disposeront d’une base opérationnelle avancée (BOA) à Djibouti (c’est déjà le cas) et à Abidjan.
Actuellement, 450 militaires français sont présents en Côte-d’Ivoire, au titre de la force Licorne. Ces effectifs devraient vraisemblablement augmenter prochainement. Le choix de la capitale économique ivoirienne se justifierait par son port en eaux profondes, stratégiquement très bien situé, comme le soulignait un récent rapport du Sénat).
Quant à Libreville, la BOA qui y est actuellement implantée avec 900 militaires deviendra un « pôle opérationnel de coopération à vocation régional », au même titre que celui établi à Dakar, depuis la transformation, le 1er août 2011, des Forces françaises du Cap-Vert (FFCV) en Éléments français au Sénégal (EFS).
« Les deux BOA, l’une à Abidjan en Côte-d’Ivoire, l’autre à Djibouti, disposeront de capacités leur permettant de répondre à l’urgence d’une dégradation sécuritaire dans la région. Ces deux bases seront situées dans des zones aéroportuaires stratégiques du continent. Elles permettront d’agir dans le domaine de la sûreté maritime dans le Golfe d’Aden et dans le Golfe de Guinée, et de servir de tremplin pour des actions de stabilisation dans des zones de crise potentielles », a expliqué M. Le Drian.
S’agissant des deux pôles de coopération, « ils permettront de renforcer les actions de coopération menées au profit des États africains, en liaison avec les organisations régionales africaines », a-t-il avancé.
Voir aussi, sur E&R : « L’Allemagne renforce sa présence en Afrique »