Qu’ils fuient des milices ou la pauvreté, le foyer d’accueil d’urgence de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) ouvre chaque année ses portes à une centaine de mineurs isolés étrangers (MIE). Un dispositif à la charge du département, ce que dénonce son président PS Claude Bartolone.
Une adolescente, assise sur les marches du foyer, découvre le français à travers une bande dessinée des Schtroumpfs. Cette Nigériane, qui se dit orpheline, ne veut pas donner son nom et affirme avoir 15 ans. Elle explique avoir quitté son pays à cause des affrontements entre chrétiens et musulmans.
Elle a traversé l’Afrique jusqu’à la Libye, est arrivée en France le 22 juin et se trouve dans le foyer depuis une quinzaine de jours. Il est possible qu’elle ait fui un réseau de prostitution, explique-t-on au foyer.
Il y a aussi un jeune homme de 17 ans, prénommé Sefou. Lui dit venir de Guinée. "Je ne m’entendais plus avec les militaires de la Guinée. J’ai pris la fuite", explique-t-il. Il a sauté dans un avion et a atterri à l’aéroport de Roissy. Son arrivée en France est "une bonne surprise", dit-il, avant de préciser : "Mes papiers n’étaient pas en règle."
Ces deux adolescents, avant d’être étrangers, sont mineurs et donc ne peuvent faire l’objet d’un arrêté d’expulsion. Après trois jours en rétention, le Guinéen est passé devant un juge pour enfants, qui l’a confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE), relevant du conseil général. L’ASE l’a dirigé vers le foyer de La Courneuve.
En 2010, en Seine-Saint-Denis, 943 mineurs étrangers sont ainsi passés par l’ASE. Leur prise en charge a coûté 35 millions d’euros, soit 20% du budget consacré à l’enfance dans ce département pauvre. En 2011, ils pourraient être plus d’un millier si la tendance observée depuis janvier se poursuit.
"Le conseil général en assume seul la responsabilité et le poids financier", déplore M. Bartolone, président PS du conseil général. Il affirme que les services chargés du suivi des MIE sont "saturés" et prévient que son département refusera à la rentrée d’accueillir de nouveaux jeunes, "tant que l’Etat persistera à nous laisser seuls".
"On conviendra que la question des mineurs isolés arrivant des quatre coins du monde n’est pas seulement une affaire locale", relève-t-il dans Libération.
En France, il y aurait environ 6.000 MIE concentrés à Paris, Mayotte, dans le Nord-Pas-de-Calais, ainsi qu’en Seine-Saint-Denis, un "point d’entrée sur le territoire national", via l’aéroport de Roissy.
M. Bartolone "pose une vraie question", estime Xavier Bombard, directeur de l’association de la Sauvegarde de l’enfant en Seine-Saint-Denis, dont dépend le foyer de La Courneuve.
"L’Etat et les collectivités territoriales devraient se mettre autour de la table", estime-t-il, avant de déplorer que "les départements autour de la Seine-Saint-Denis ne (soient) pas solidaires".
"Quand il arrive en France, un mineur est protégé. On ne peut que s’en enorgueillir. Mais une fois qu’on a dit ça, comment on assume ?", interroge-t-il.
Dans l’attente de réponses, le foyer continue d’offrir la protection aux mineurs isolés, d’organiser des soins médicaux et psychologiques, ainsi que des cours de français.
"Ils ont une telle volonté de vie et de vouloir rester en France qu’ils apprennent vite le Français", se félicite M. Bombard.
En 2010, 90 mineurs de 52 nationalités sont passés par le centre, qui accueille également des jeunes en difficulté du département. Ils y restent jusqu’à 10 mois et sont ensuite confiés à un autre établissement, avec le défi de trouver une solution pour qu’à l’âge de 18 ans, ils aient des papiers.