L’UCK, armée de libération aujourd’hui au pouvoir, est accusée de tortures et d’assassinats de Serbes.
Belgrade. De notre correspondant
Durant les bombardements de l’Otan, au printemps 1999, et dans les mois qui suivirent, l’Armée de libération du Kosovo (UCK) géra un véritable archipel de centres de détention, dans lesquels furent torturés et assassinés des Serbes, des Roms, mais aussi nombre d’Albanais accusés de « collaboration » avec le régime serbe. Le principal camp se trouvait dans les bâtiments abandonnés de la zone industrielle de la petite ville de Kukës, dans le nord de l’Albanie.
Dans ces centres de détention, la torture était systématique. « J’ai vu des gens battus, poignardés... Certains étaient privés de nourriture durant cinq à six jours. J’ai aussi vu des personnes tuées. » L’homme qui raconte cette histoire est un survivant albanais qui avait été accusé de « collaboration ». Il a donné son témoignage aux journalistes de la BBC et du BalkanInsight, une publication anglophone spécialisée sur les Balkans.
Carla del Ponte accusatrice
Les journalistes du BalkanInsight ont aussi eu accès à des rapports l’Otan, qui attestent que des soldats occidentaux sont intervenus dans certains camps pour libérer des prisonniers : cela signifie que les institutions internationales connaissaient l’existence de ces camps.
Il y a un an, l’ancienne Procureure générale du TPI de La Haye, Carla Del Ponte, écrivait dans ses mémoires que la Mission des Nations unies au Kosovo et son chef de l’époque, Bernard Kouchner, avaient refusé de lui prêter toute aide pour poursuivre ses investigations sur le sort d’au moins 300 civils serbes du Kosovo portés disparus.
Selon Carla Del Ponte, ces civils auraient pu alimenter un trafic d’organes dirigé par les anciens guérilleros de l’UCK. L’enquête du BalkanInsight n’évoque pas ce trafic d’organes, mais confirme l’existence d’un centre de détention à proximité de Burrel, une autre petite ville du nord de l’Albanie, centre présumé du trafic.
Le Premier ministre dément
Les résultats de l’enquête ont été démentis en bloc par le Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi, chef politique de l’UCK à l’époque des faits (certains tortionnaires, selon l’enquête, occupent aujourd’hui des positions importantes dans les institutions du Kosovo). En revanche, la mission européenne Eulex, chargée notamment de juger les crimes de guerre, confirme disposer de documents sur ces camps.