Au firmament de sa montée en puissance, le président turc étouffe les rivalités au sein de l’AKP et s’ouvre la voie pour les prochaines élections présidentielles et législatives.
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a consolidé encore un peu plus son pouvoir, ce dimanche 21 mai, en redevenant le chef de l’AKP. Unique candidat à ce poste, il a retrouvé la tête du Parti de la justice et du développement qu’il avait cofondé en 2001, en vertu d’une révision constitutionnelle adoptée par référendum le 16 avril lui permettant d’élargir ses prérogatives et de reprendre la direction de sa mouvance politique.
[...]
Cette élection qui s’est déroulée lors du 3e congrès extraordinaire de l’AKP, à Ankara, symbolise pour beaucoup l’aboutissement de la montée en puissance du nouvel homme fort du pays. L’ex-gamin des rues de Kasimpasa, au cœur du vieil Istanbul, commence sa carrière politique dans l’ancienne Constantinople, dont il devient le maire en 1994. Emprisonné pendant quatre mois en 1999 pour avoir lu un poème religieux considéré comme une incitation à la haine, il s’impose vite comme le symbole du traitement injuste réservé aux Turcs pieux par l’élite laïque dirigeante.
[...]
Désormais chef de parti et chef du pays, Erdoğan dispose d’une marge de manœuvre inédite lui permettant de verrouiller le système. « Tandis qu’il consolide davantage son pouvoir au sein de l’AKP, l’espace minuscule qui subsistait pour des désaccords au sein du parti va disparaître », observe Aykan Erdemir, de la Fondation pour la défense de la démocratie, basée à Washington, dans une interview accordée à l’AFP. « Erdoğan, précise-t-il, veut s’assurer qu’il a suffisamment de loyalistes au Parlement pour éviter toute tentative de le destituer. » C’est que le leader turc a les yeux rivés sur les élections présidentielles et législatives de 2019 qu’il entend remporter.
[...]
Le slogan du congrès – « Une nouvelle période de rupture : démocratie, changement, réforme » – laisse d’ailleurs présager une restructuration prochaine au sein du parti, mais aussi au sein du gouvernement.
Selon l’éditorialiste du quotidien Hürriyet, Abdulkadir Selvi, un proche du pouvoir, le président Erdoğan va entamer une réorganisation du parti en commençant par les dirigeants locaux, en fonction des résultats obtenus au référendum là où ils sont en poste. La rumeur va également bon train sur un « nettoyage » en interne des figures de l’AKP soupçonnées de lien avec le réseau güleniste. Pour sa part, le quotidien Hürriyet affirme que 8 à 10 ministres pourraient être concernés par un remaniement.