L’argent est le nerf de la guerre. Sans liquidités, il est impossible de mener un conflit, et encore moins au XXIe siècle avec la production d’arme qui est mondialisée. Qui finance la guerre en Syrie ? Les pays qui dénoncent avec le plus de virulence le régime de Damas sont les principaux bailleurs de fond de la poudrière syrienne.
En deux ans, plus de 100 000 personnes auraient péri dans le conflit qui frappe la Syrie. Ce constat effroyable est largement relayé par les médias occidentaux, atlantistes et de la Ligue arabe qui dénoncent avec virulence la responsabilité – unilatérale – de Bachar Al-Assad. Pourtant, ces médias sont beaucoup plus discrets sur le financement de cette guerre.
Depuis les accords de Doha (Qatar), signés en novembre 2012, une Coalition a été mise en place pour représenter l’opposition au régime de Damas. Cette structure a reçu la légitimité d’une grande partie de la communauté internationale et un programme d’aide a été décidé. Les principaux donateurs se sont ensuite regroupés dans le collectif « les Amis de la Syrie ». John Kerry, le secrétaire d’État américain, avait annoncé pour objectif la levée de plus d’un milliard de dollars. Au total, une petite centaine de pays membres des Nations unies en font partie. Il est difficile de chiffrer le montant des aides entre les annonces officielles et les donations informelles ou indirectes, notamment du Qatar et de l’Arabie Saoudite, les plus généreux soutiens de la rébellion syrienne.
La « Qatar story » en Syrie
Entre le février et avril 2013, les États-Unis ont promis 160 millions de dollars à l’opposition. La Libye a mis sur la table 100 millions, tout comme l’Arabie Saoudite, qui fournit en plus de l’armement à titre gracieux à l’instar du Qatar. En Europe, l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume Uni sont les principaux donateurs. Berlin a signé un chèque de 90 millions d’euros, Rome et Paris ont promis environ 22 millions chacun et Londres a déjà donné dans différents programmes des dizaines de millions de dollars. Ces apports ne sont rien comparés à ceux d’un des plus petits États du monde : le Qatar.
Pour Doha, le foot, l’immobilier et les plans de relance de l’économie européenne ne sont qu’une partie du projet d’internationalisation du pays. Après avoir soutenu financièrement, logistiquement et militairement les opposants de M. Kadhafi, Doha se place comme un acteur incontournable d’un conflit qui pourrait avoir des répercussions sans précédent dans la région.
Le richissime État gazier est, avec l’Arabie Saoudite, le principal allié de l’opposition syrienne, qui est accusée de compter une majorité de combattants islamistes dans ses rangs, notamment des salafistes. Des sources proches du gouvernement qatari estiment que la dépense totale atteint pas moins de 3 milliards de dollars, tandis que des sources rebelles et diplomatiques parlent d’un montant d’un milliard de dollars au maximum. Selon le Stockholm International Peace Research Institute, qui étudie les transferts d’armes, le Qatar a été le principal fournisseur d’armes à l’opposition syrienne, avec plus de 70 avions cargo militaires qui se sont posés en Turquie entre avril 2012 et mars de cette année.
Impossible de savoir vers où vont les fonds
Le montant des aides atteindrait désormais plusieurs milliards d’euros. Une somme majoritairement destinée à acheter du matériel « non-létal », de l’aide humanitaire et à financer l’administration de la Coalition. Les pays donateurs restent en revanche très discrets au sujet du pourcentage de cet argent qui sert à acheter des armes aux rebelles. Une chose est sûre, les deniers des « Amis de la Syrie » sont directement responsables de la pérennité de ce conflit sanglant. Par ailleurs, le camp occidental et atlantiste (comprenez l’OTAN) a laissé aux théocraties wahhabites d’Arabie Saoudite et du Qatar l’opportunité de contrôler la rébellion grâce à sa dépendance financière et militaire.
La Syrie fait face à un conflit dont le fonds est aussi secret que les véritables enjeux qui se jouent dans cette poudrière qui sent le gaz. Les dizaines de centaines de millions de dollars qui ont été versés aux rebelles sont autant de chances de voir des katibas djihadistes prendre le contrôle d’une région en cours de balkanisation. C’est à peu près le scénario libyen. Des rebelles armés jusqu’aux dents font régner la terreur dans un pays autrefois prospère et dont la chute a fait sombrer le Sahel dans le chaos avec les conséquences que l’ont connaît aujourd’hui.
Arthur Beaufils