C’est cette semaine que l’opposition politique à Bachar al-Assad doit se réunir à Istanbul, pour présenter un « front uni » face au régime.
Il faut bien évidement traduire cette formulation vague et majorative à souhait de l’AFP : en fait, le CNS va tenter de se relancer sous l’égide de ses protecteurs turcs, après un début d’année pas extraordinaire, en dépit du bruyant happening politico-médiatique de Tunis, avec le sommet dit des « Amis de la Syrie », où les Occidentaux ont bombardé le CNS « représentant légitime du peuple syrien ».
Le dernier atout (pas maître) du CNS : Erdogan
On le sait, le « représentant légitime du peuple syrien » a été publiquement désavoué par des acteurs majeurs de l’opposition à Bachar al-Assad, comme Haytham Manna et ses amis du Comité national de coordination des forces de changement démocratique en Syrie (CNCD), ou Michel Kilo, sans oublier une personnalité culturelle majeure comme le poète Adonis, qui tous ont dénoncé son extrémisme belliciste, son inféodation à l’étranger ou l’emprise des fondamentalistes sunnites. Et le CNS a de surcroît subi une scission, celle du « Comité patriotique syrien » de Haytham al-Maleh.
Et puis le bras armé du CNS, l’Armée syrienne libre, n’est pas en grande forme non plus ces derniers temps. Bref, il s’agit pour Burhan Ghalioun et la coalition de circonstance de Frères musulmans et de libéraux pro-américains qu’il représente de retrouver un nouveau souffle. Pas facile avec une Amérique qui ne veut pas ou plus armer les opposants, des Qataris et Séoudiens plus obligeants de ce point de vue mais dont l’extrémisme anti-Bachar ne fait plus recette au sein de la Ligue arabe, une France dont le chef de la diplomatie se dit « déçu » par la « médiocrité » de l’opposition syrienne. Pas facile surtout alors que c’est la Russie qui devient le maître du jeu diplomatique.
Dans son malheur, le CNS peut quand même encore compter sur le zèle anti-syrien, encore intact, d’Erdogan : le premier ministre turc se trouvait dimanche à Séoul aux côtés de Barack Obama, l’occasion de se prononcer d’une seule voix pour une « aide non militaire » aux rebelles syriens : concrètement Obama et son auxiliaire musulman Erdogan pourraient livrer à l’ASL des « équipements de communication » et du « matériel médical ».
Mais, comme souvent, les déclarations sont un leurre à destination des opinions. Car Ankara offre déjà aux bandes de l’ASL ce dont ils ont le plus besoin : une base arrière où s’organiser, un sanctuaire ou se réfugier en cas de malheur. Au fond, la zone d’exclusion aérienne, le territoire protégé que n’ont cessé de réclamer le CNS et l’ASL, ils existent déjà, mais en Turquie, pas en Syrie !
Ce qui s’est dit à Séoul relève donc, une fois de plus, de l’effet de style : Washington et Ankara s’efforcent de sauver leurs faces dans le dossier syrien. Et c’est dans le même état d’esprit que le gouvernement AKP a annoncé ce lundi 26 mars la fermeture de son ambassade à Damas, imitant avec retard ses bons amis du Conseil de coopération du Golfe.
Vu l’état des relations diplomatiques et économiques syro-turques, la décision apparait bien comme une surenchère dérisoire de la part d’un homme, Erdogan, qui s’est enfoncé dans une impasse dont il ne pourrait sortir que par un revirement politique ou une escalade militaire, ces deux issues lui étant également impraticables.
Confronté à un rejet unanime de sa politique syrienne de la part de toute son opposition parlementaire, ayant rallumé à sa frontière orientale la guérilla kurde et le contentieux avec l’Irak, s’étant brouillé avec la France sur le génocide arménien, et affichant une hostilité ambigüe vis-à-vis d’Israël, Recep Tayyep Erdogan est certes devenu une référence pour les Frères musulmans d’Egypte et d’ailleurs, mais aussi un évident exemple d’instabilité et d’irresponsabilité diplomatique pour nombre de dirigeants de la région. Il ne sortira pas grandi et renforcé de la crise syrienne…