Se battre pour des causes justes, puis se rendre compte qu’elles servent des intérêts particuliers... Après l’affaire Dieudonné, notre contributrice, Sabine Colon, s’est rendu compte que l’antiracisme s’éloignait souvent de son objectif. Comment est-elle passée du prosélytisme politique à l’indifférence ? C’est ce qu’elle nous raconte.
J’ai longtemps été une « indignée » de gauche, à conspuer les extrémistes en tout genre, racistes, homophobes, antisémites. J’ai souvent joué la commentatrice météo, moraliste à souhait, qui parle du climat délétère, nauséabond, des années trente, et j’en passe.
Aujourd’hui, je n’arrive plus à m’indigner. J’observe et commente les débats, je ne les vis plus. Discuter avec des militants d’extrême droite m’était impossible. J’aurais pu en regarder mourir et m’en délecter, c’était un de mes paradoxes. L’affaire Clément Méric m’avait bouleversée – et me bouleverse toujours. Mais à l’inverse, si Esteban Morillo avait subi le même sort, je me serais dit « tant mieux ». J’étais une petite dictatrice. J’étais une hystérique de la morale, une Fourest en herbe. Mais l’affaire Dieudonné a chamboulé mes schèmes moraux.
[...] J’ai longtemps combattu les dogmes de cette extrême droite, ai souvent frôlé la bagarre avec des soraliens. J’avais une haine pour le conspirationnisme d’Alain Soral, pour son dénie de l’homophobie, sa façon de penser l’actualité internationale, son anti-féminisme. À une époque où on parlait encore peu de lui.
Aujourd’hui, à force d’entendre n’importe qui théoriser n’importe quoi, comparant celui-ci ou celui-là à Marine le Pen ou à Éric Zemmour (que de raccourcis !) ma haine s’est muée en mépris. En mépris sans indignation. Avec l’affaire Dieudonné, je me suis sentie harcelée par les prédicateurs de la bonne morale. Si bien que tout ce prosélytisme m’a fait perdre la foi.
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