Des pays africains aujourd’hui déficitaires pourraient devenir, d’ici à quelques années, exportateurs. C’est la conséquence de la flambée des cours : les investissements affluent et les plantations s’étendent.
En 2030, la demande mondiale de sucre devrait avoir augmenté de 50 % par rapport à aujourd’hui, soit 90 millions de tonnes supplémentaires, selon le négociant Czarnikow. Principale raison : la hausse de la consommation dans les pays émergents et les pays en développement. De fait, depuis plusieurs mois déjà, des tensions sont perceptibles sur les cours : le sucre a atteint 845 dollars la tonne début février, son plus haut niveau depuis 1987, début de sa cotation à Londres. Du coup, de nombreux investissements affluent en Afrique, afin de combler le déficit des marchés intérieurs mais aussi de développer l’exportation.
Leaders nationaux
Au Mali, outre le projet sucrier de Markala, financé par la Banque africaine de développement (BAD) à hauteur de 65 millions d’euros (190 000 t de sucre et 15 millions de litres d’éthanol), deux grosses unités de culture et de transformation de la canne à sucre sont en cours de réalisation dans la région de Ségou : Sukala, avec l’appui de la Chine, et Sosumar, avec le sud-africain Illovo, leader africain du secteur.
Au total, ces deux complexes mobiliseront 35 000 ha de terres irriguées à partir du fleuve Niger et pourront produire jusqu’à 250 000 t de sucre par an, alors que le déficit actuel du Mali n’est que de 115 000 t. Illovo, filiale du conglomérat britannique Associated British Foods, ne compte d’ailleurs pas que sur le Mali pour développer sa présence sur le marché mondial, avec un accroissement prévu de ses exportations depuis le Mozambique, le Malawi, le Swaziland et la Zambie.
Au Sénégal, la vallée du fleuve et ses possibilités d’irrigation attirent les planteurs de canne à sucre. Le monopole de la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) du « roi du sucre », le Français Jean-Claude Mimran, est en train d’être remis en cause par l’arrivée d’un concurrent d’envergure, l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote, entrepreneur le plus riche d’Afrique. Là aussi, il ne s’agit pas simplement de satisfaire le marché national, mais aussi de saisir les opportunités offertes par la hausse de la demande mondiale. Alors que le déficit annuel du Sénégal en sucre tourne autour de 60 000 t, Aliko Dangote compte produire plus de 100 000 t par an à partir des 40 000 ha qu’il a obtenus du gouvernement sénégalais.
En Algérie aussi
Même l’Algérie, qui ne produit pourtant ni betterave ni canne à sucre – au contraire, le pays figure parmi les dix premiers importateurs de sucre au monde –, s’intéresse au marché mondial. Dans un pays réputé pour avoir multiplié depuis 2009 les obstacles à l’entrée des investisseurs étrangers, le groupe sucrier français Cristal Union s’est associé, après dix-huit mois de négociation, avec son homologue privé algérien La Belle, un acteur de l’agroalimentaire présent dans la production et le négoce de pâtes, de semoule, de café…
Fin janvier, les deux partenaires ont officialisé leur accord pour la construction d’une raffinerie de sucre de canne à Ouled Moussa, dans la région de Boumerdès, à 50 km à l’est d’Alger, qui emploiera 250 personnes et produira 350 000 t de sucre par an. Un investissement de 70 millions d’euros. Cristal Union détient 35 % du capital de la raffinerie, contre 65 % pour le groupe La Belle. Il n’empêche : c’est le groupe français qui pilotera et gérera l’investissement.
Sur place, les travaux de génie civil sont quasiment terminés. Le démarrage de l’activité est prévu au début de 2012, mais le projet comporte d’ores et déjà une deuxième phase, qui prévoit de porter la production annuelle à 700 000 t de sucre d’ici à quatre ans. L’association Cristal Union-La Belle rejoindra alors dans la cour des grands le premier groupe privé algérien, Cevital, qui a déjà annoncé qu’il augmentera la capacité de production de sa raffinerie de sucre de Béjaïa de 1,8 million à 2 millions de tonnes en 2011. Partager Tous