Pour la seconde année consécutive, le rapport annuel établi depuis 2000 par le Pentagone concernant la puissance militaire chinoise a été livré avec plus de six mois de retard, ce qui suscité des critiques et de l’impatience chez les parlementaires du Congrès, qui attendaient ce document avant de se pencher sur les crédits alloués à l’armée américaine.
Et comme d’habitude, ce rapport du Pentagone n’a été que fort peu apprécié par Pékin, qui ont accusé les Etats-Unis « d’ingérence ». Mais le document a également été critiqué à Washington, pour son manque de « substance ».
Ainsi, le rapport n’évoque pas les conséquences que pourrait avoir sur la sécurité des Etats-Unis le fait que la Chine est le premier détenteur de bons du Trésor américain, avec 1144,9 milliards de dollars sur les 15.000 milliards de dettes accumulées par Washington. Pour le Pentagone, cet aspect n’entre pas dans ses prérogatives
Quoi qu’il en soit, le document indique que la Chine aurait renforcé ses moyens offensifs dans le détroit de Taïwan, ce qui serait de nature à dissuader les Etats-Unis d’intervenir au profit de l’ancienne île de Formose, considérée par Pékin comme étant une province rebelle.
Il souligne aussi que la lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden est la plus importante mission chinoise à l’étranger. « L’évolution des intérêts économiques et géostratégiques a fondamentalement modifié le jugement de la Chine sur sa puissance maritime » ont estimé les rédacteurs, ce qui se traduit notamment par des tensions territoriales en mer de Chine méridoniale, avec pour conséquence l’augmentation des budgets militaires de certains pays de la région.
D’où l’accent mis par Pékin pour développer sa marine, avec l’augmentation du nombre de sous-marins en service ainsi que le renforcement de sa flotte de surface. Le rapport minore les conséquences de la mise au point du premier porte-avions chinois, le Shi-Lang, qui, de conception soviétique, a pris la mer pour la première fois cet été après être passé par le chantier naval de Dalian. Ainsi, il faudra encore du temps à la Chine pour qu’elle puisse disposer d’un groupe aéronaval pleinement opérationnel. Cela étant, il s’agit de la première brique d’un programme beaucoup plus vaste et un second bâtiment de ce type pourrait être prêt après 2015.
Toujours dans le domaine naval, le rapport indique que la Chine compte, entre autres, dans ses arsenaux des missiles de croisières anti-navires, tels que le DH-10, le YJ-62 et le SS-N-22 Sunburn d’origine russe.
Bien qu’il a été beaucoup question du DF-21D, un missile balistique anti-navire qualifié par la presse chinoise de « tueur de porte-avions », le rapport n’y fait référence qu’à trois reprises, et sans préciser les conditions d’emplois et la doctrine que sous-entend cet engin.
Au niveau de l’armement nucléaire, le document fait état du développement d’un nouveau missile balistique MIRV (Multiple Independently Targeted Reentry Vehicle) qui permet de doter un projectile de plusieurs têtes nucléaires ayant chacune leur propre trajectoire au moment de leur entrée dans l’atmosphère.
Pour les auteurs du rapport, la modernisation de son arsenal nucléaire doit permettre à la Chine de contrer d’éventuelles attaques et à « s’assurer de la viabilité des armes de dissuasion de la Chine face aux avancées constantes » d’autres pays, à commencer par les Etats-Unis et la Russie. Pour mémoire, la doctrine chinoise en la matière est celle de « non-utilisation en premier » de ce type d’armement.
Quant à l’avion « furtif » J-20, qui a effectué son premier vol en janvier dernier, le rapport note qu’il s’agit pour les Chinois de défier les appareils américains dans la région. Les auteurs ont également noté la modernisation commencée des bombardiers stratégiques Xian H-6 (B-6 pour l’exportation), qui sont en fait des Tupolev-16 soviétique revus et corrigés. Au final, le Pentagone estime que la Chine aura une armée moderne à l’horizon 2020.
La question de la cybersécurité a également été abordée. D’après les rédacteurs, des milliers d’intrusions dans les systèmes informatiques constatés en 2010 semblent avoir la Chine pour origine. Elles « avaient pour but de recueillir des informations » explique le rapport. « Même si ce problème est inquiétant, les accès et les compétences requises pour réaliser ces intrusions sont les mêmes que celles qui sont nécessaires pour conduire des attaques sur des ordinateurs en réseau » prévient-il.
Enfin, le Pentagone a une nouvelle fois critiqué le manque de transparence de Pékin en matière de politique de défense, le gouvernement chinois ayant annoncé, en mars dernier une hausse de 12 ;7% de ses dépenses militaires, pour les porter à 66,6 milliards d’euros. Seulement, le rapport estime que le budget de la défense chinois s’est élevé à 160 milliards de dollars en 2010 (530 milliards pour l’armée américaine en 2011, hors Irak et Afghanistan). Ce qui est loin du compte.