C’est une information étonnante qui est arrivée dans les bras des enquêteurs de Mediapart. Le journal en ligne d’Edwy Plenel révèle que lors de l’élimination du commando de Saint-Denis le 18 novembre 2016, « l’essentiel des tirs essuyés par le groupe d’intervention de la police nationale a été le fait de ses propres hommes ».
Le plus étonnant, dans cette information, est que les journalistes de Mediapart ont eu accès à une partie des conclusions des experts balistiques qui ont analysé les décombres et les impacts qui ont frappé l’immeuble (voir photo) où se terraient les terroristes. Chacun sait que trois cadavres ont été retrouvés dans les décombres : deux terroristes, et une femme : « Abdelhamid Abaaoud, le coordonnateur des attentats du 13 novembre, sa cousine Hasna Aït Boulahcen, et Chakib Akrouh, un membre du commando des terrasses ».
Mediapart rappelle les mots du ministre de l’Intérieur après la victoire des forces de l’ordre sur les terroristes : ses troupes ont « essuyé le feu pendant de nombreuses heures dans des conditions qu’ils n’avaient jusqu’à présent jamais rencontrées ». Le procureur de la République, François Molins, parlera même de « tirs très nourris et quasi ininterrompus ». Or, et c’est là que le bât blesse, les experts de la police scientifique qui ont passé les lieux au peigne fin, ne « trouvent pas d’autres éléments balistiques attestant du déluge de plomb supposé s’être abattu sur leurs collègues ».
Le patron du RAID, lui, donne au Parisien et au Figaro sa version des faits, la version des faits : un premier « échange de tirs [qui] dure entre une demi-heure et trois quarts d’heure », des terroristes qui « lancent des grenades offensives à nos pieds ». Il précise qu’un forcené a été « touché mais continue de riposter à la kalachnikov », que « la femme présente à l’intérieur envoie une longue rafale de tirs et s’ensuit une grande explosion. [...] La femme s’est fait sauter toute seule dans l’appartement », « c’est alors que nous avons vu un corps humain, une tête de femme, passer par la fenêtre et atterrir sur le trottoir ».
En fait de tête, c’est celle de l’homme qui a actionné sa ceinture d’explosifs, qui emportera aussi Abaaoud. La femme, elle, mourra asphyxiée. Aucun des trois n’aura été abattu en définitive par une ou plusieurs des 1500 balles tirées par les policiers. Mais on ne retrouvera pas les AK47 (kalachnikov) et les douilles qui auront soi-disant servi à échanger des tirs pendant des heures avec les policiers, qui eux, arroseront en masse l’immeuble, touchant même des voisins. Alors, qui a tiré ? Selon Mediapart, la plupart des tirs reçus par les policiers seraient des tirs dits amis, en langage militaire. Alors, qui a menti, ou qui a changé la réalité, et surtout, pourquoi ?