La terre a tremblé au Maroc dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre 2023. Cinq jours plus tard, le bilan se monte à 2900 morts et 5500 blessés. Malgré les propositions d’aide internationales, seuls quatre pays « amis » ont été autorisés à intervenir officiellement sur place : Espagne, Qatar, Royaume-Uni et Émirats. La France, les États-Unis et d’autres ont proposé leurs équipes de secours, mais les autorités marocaines ont déclaré ne pas en avoir besoin, ce qui est leur droit le plus strict. Cependant, des ONG et des bénévoles français travaillent sur place, sans drapeau.
Les raisons peuvent être politiques, mais aussi tout simplement pratiques : le système de secours national, rôdé par le dernier séisme (de 2004) se suffirait à lui-même. Le Maroc s’est considérablement développé, et entend prendre une place prépondérante en Afrique. Il ne veut pas être considéré comme un pays du « tiers-monde ». On rappelle que le grand séisme de 1960, qui a détruit Agadir, avait fait 12 000 morts, soit un tiers de la population de la ville. Le correspondant de France Inter de l’époque décrit la scène :
« La ville semble avoir été soumise à un bombardement quand on l’aperçoit d’avion, comme j’ai pu le faire ce matin à bord de l’avion royal. Le véritable drame, est au sol et chaque maison est fissurée, écaillée, fêlée. Les vitrines ont volé en éclats. Des immeubles dont la silhouette pouvait rassurer là-haut vue d’avion, ne sont plus maintenant que des masses inquiétantes. Ce sont des carcasses vides et certains menacent de s’écrouler. On peut estimer que 70 % environ de la population est touchée, sinistrée, blessée ou parfois morte. » (France Info)
Aujourd’hui, on le voit, cela peut être humiliant pour un pays de répondre à l’offre d’aide internationale. Lors du grand séisme qui a touché la Turquie (50 000 morts) et la Syrie (6 000 morts) en février 2023, les différends politiques n’ont pas joué, même si la Syrie n’a pas officiellement lancé d’appel à l’aide : elle a quand même laissé, avec un certain retard, les équipes humanitaires entrer à Idlib, une zone qui n’est pas encore pacifiée... En revanche, 48 pays ont envoyé des secours humains ou financiers en Turquie. On rappelle que la Syrie a subi 10 ans d’un terrible conflit, avec des destructions rappelant celles d’un séisme de grande envergure. La reconstruction coûtera 900 milliards de dollars.
Cinq jours après le séisme marocain, malheureusement, on trouve très rarement des survivants. Mais l’aide ne s’arrête pas aux premiers secours : elle s’étale sur des mois, avec la reconstruction, le relogement, toute une vie à reconstituer.
Pour rester dans le séisme politique, le grand tremblement de terre de Tangshan en 1976 était, lui, éminemment politique. La vidéo suivante est en anglais non sous-titrée en français, mais elle montre ce qu’a subi cette ville industrielle : l’effet d’une bombe atomique.
Bilan officiel : 242 000 morts ; bilan officieux : 700 000. Les images d’époque montrent des centaines de Chinois, militaires ou volontaires, qui montent au front pour déblayer les débris. Le tout, à la main, en faisant la chaîne, à la chinoise.
En 1976, Mao se meurt, il décédera le 9 septembre, il n’aura peut-être pas dirigé les secours pour le 28 juillet. C’est Hua Guofeng qui prend le tête du pays, mais avec Deng Xiaoping en embuscade. Son heure viendra. La « bande des Quatre » (avec madame Mao dedans) sera arrêtée cette même année, sonnant le glas du pouvoir maoïste. Petite anecdote : Philippe Sollers signera à cette occasion une tribune dans Le Monde dans laquelle il s’oppose à la nouvelle ligne, dite « des droitiers », et prend parti pour la veuve de Mao, soit la ligne de gauche... Jiang Qing sera emprisonnée et de « suicidera », après avoir été libérée pour cause de cancer, en 1991.
Le pouvoir chinois de l’époque n’a pas encore ouvert son pays à l’Occident, et donc à l’aide occidentale. Mais la fierté nationale refuse – aussi pour des raisons d’intrusion (100 ans d’occupation étrangère ont mis les Chinois à cran) – toute aide internationale. Aujourd’hui, devenue un géant économique et politique, la Chine n’aurait plus besoin de secours.
Le JT de TF1 de l’époque (cliquez pour regarder)
Roger Gicquel : « Comme c’est la tradition en Chine, on ne publie pas les bilans des catastrophes naturelles. Les Chinois craignent que de tels bilans puissent être utilisés par leurs adversaires politiques. »