Egalité et Réconciliation
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Sarkozy contre Marx

Ministre de l’Economie et des Finances, figure de Businesseurope, candidate présumée au rôle de « Dame de fer » française, Madame Christine Lagarde a lu ce 10 juillet un véritable Manifeste du parti patronal devant des députés UMP enthousiastes. Elle y dénonce avec virulence le « Droit à la paresse » du socialiste Paul Lafargue (1880) et la « lutte des classes » de Marx ; elle y fustige les chômeurs et autres « assistés » et elle termine par des propos qui se veulent assassins contre les intellectuels français et contre… l’activité même de penser !

Ce brûlot réactionnaire vise à justifier la stratégie sarkozyste de « rupture » qui va se traduire pêle-mêle dès cet été par la casse du droit de grève, par la franchise sur les remboursements médicaux, la mise en concurrence des universités, la suppression de 30 000 postes dans la fonction publique (dont 17 000 dans l’enseignement public !), la vente à la criée du capital public de France Telecom, la privatisation accélérée de GdF et d’EDF, la libéralisation des activités postales, le feu vert donné aux actionnaires de Danone pour vendre aux fonds de pension ce fleuron de l’agroalimentaire français, par de nouvelles attaques contre le code du travail, par la création d’une garde prétorienne (fusion du GIGN et de la garde présidentielle !) et, cerise sur le gâteau de cette revanche sur 89, 36, 45 et 68, par le lancement de la constitution européenne bis rédigée par Merkel et contresignée par son féal Sarkozy au mépris du 29 mai 2005.

Face à ces attaques antisociales et antinationales d’une brutalité sans égal depuis 39/40, les intellectuels marxistes, -qu’ils soient de formation universitaire et/ou de formation militante-, se doivent de mettre en pratique la devise de Georges Politzer, ce professeur de philosophie communiste qui releva le drapeau des Lumières et de la Pensée en 1940, et qui fut pour cela livré aux bourreaux nazis par le gouvernement « français » de capitulation nationale : « l’esprit critique, l’indépendance intellectuelle ne consistent pas à céder à la réaction, mais à ne pas lui céder », écrivait alors Politzer.


1°) Le « Droit à la paresse » : strictement réservé aux richards du « Fouquet’s » !
Commençons par l’attaque grossière lancée par C. Lagarde contre le spirituel pamphlet de Paul Lafargue « le droit à la paresse ».

Ignorant pudiquement le contexte historique de ce pamphlet, celui d’une lutte ouvrière incroyablement dangereuse pour la journée de 8 heures à une époque où les paresseux ancêtres patronaux de Lagarde tuaient leurs ouvriers au travail et SE réservaient le droit à l’oisiveté (il n’est que de relire la « Recherche du temps perdu » pour voir comment meublait son temps l’aristocratie rentière de la « Belle époque »), Lagarde accuse la gauche d’avoir « considéré le travail comme une servitude ». « Le » travail, vraiment ? Ou le travail de l’esclave (servile par définition !), le travail du serf (sur lequel les De Villepin, De Robien, De Panafieu, Sarkozy de Nagy-Bocsa, et autres dynastes ont construit leur pouvoir et leur richesse), ou encore le travail exploité, humilié, aliéné, méprisé, du prolétaire en régime capitaliste ? Car, honorable laudatrice du « travail libérateur » pour les autres, il était évidemment « émancipateur » pour les gosses du nord d’ « aller al’carbon » au lieu d’aller à l’école ; il était « libérateur » pour les fileuses de Roubaix de finir leur jeunesse aveugles tant elles avaient accumulé de coton dans les yeux ; combien triste en comparaison était la vie des maîtres de la Forge, fondateurs de la dynastie Seillères-de Wendel, ou celle des actionnaires du textile qui passaient (déjà !) leur précieux temps à spéculer, à tondre la laine des « emprunts russes », à « faire bombance » (pour parler comme Lagarde !) sur le dos des moujiks, pour mieux « fainéanter » de Biarritz au Touquet !

Au demeurant, Mme Lagarde caricature grossièrement la pensée de Lafargue, introducteur du marxisme en France. Même si Lafargue mord souvent le trait en accusant « le travail » en général (c’est la loi de ce genre littéraire qu’on nomme « pamphlet » que de pratiquer l’hyperbole et la caricature), il était bien placé pour savoir que Marx n’a jamais stupidement proposé de célébrer unilatéralement le travail soit comme « libérateur » soit comme « aliénant ». Dans son principe, le travail est potentiellement libérateur puisque « l’homme se distingue des animaux en produisant ses moyens d’existence » (L’Idéologie allemande), en développant la technique, qui lui permet de maîtriser la nature et de satisfaire ses besoins tout en construisant la culture et la société. Mais dans les faits, le travail exploité est une malédiction pour les travailleurs, ravalés plus bas que la bête de somme par l’avidité des classes exploiteuses qui ne font jamais l’éloge du « travail manuel », si « sain », si « hygiénique »-, que pour exploiter les travailleurs jusqu’à l’extrême limite. Et c’est encore vrai de nos jours, malgré les progrès techniques et sociaux que les prolétaires ont arrachés aux patrons par la grève, puisque les ouvriers (que l’on presse de « travailler plus pour gagner plus ») meurent en moyenne dix à quinze ans plus tôt que les Copé, Lagarde et autres fils et filles à papa qui n’ont jamais coiffé un casque de chantier que pour aller piper des voix le temps d’une élection !

La réalité, c’est que pour Marx, le socialisme, puis le communisme permettront au travail de déployer tout son potentiel libérateur parce que les salariés, devenus des « producteurs associés », travailleront enfin pour eux-mêmes au lieu d’œuvrer pour leurs exploiteurs, parce qu’ils organiseront la production de manière démocratique et planifiée en fonction des besoins sociaux (au lieu d’œuvrer à l’aveugle pour le profit de quelques-uns dans un climat permanent de guerre de tous contre tous). Et aussi parce que le travail lui-même, libéré de l’exploitation mais aussi de la division sociale et technique qui le parcellise à l’extrême (opposition du travail manuel et du travail intellectuel, enfermement dans des tâches répétitives et ennuyeuses…) cessera alors d’être ce qu’il est pour des millions de gens : une corvée indispensable pour vivre ou plutôt pour survivre, en devenant le « premier besoin » humain, comme il l’est déjà dans les professions où les travailleurs peuvent donner libre cours à leur esprit d’initiative. Pour cela, encore faut-il que les moyens de production et d’échange, accaparés par ces « assistés professionnels » que sont les PARASITES du capital financier, deviennent la propriété de toute la société, à l’inverse de ce que fait la ci-devant Lagarde en menaçant de vendre EDF aux frelons de Suez et de Powéo ! Alors oui, l’ « esprit d’entreprise », aujourd’hui accaparé dans les mots par le patronat (qui a plongé notre pays dans le marasme à force de spéculer et de désindustrialiser le pays, au lieu d’investir et d’entreprendre !), deviendra « la chose du monde la mieux partagée » parce que chacun y aura objectivement intérêt.

Pourtant, même libéré de l’exploitation capitaliste, le travail n’est pas la fin dernière de l’humanité comme l’a jadis démontré le fondateur de l’économie politique, qui n’était pas Marx mais Aristote, à côté duquel Mme Lagarde fait figure de naine de la pensée.. Car une activité n’est un travail que lorsqu’elle vise autre chose qu’elle-même ; à moins de perversion particulière, personne n’a jamais cassé de cailloux pour le plaisir, mais pour chausser les routes. Le travail procède du fait que l’homme, être vivant qui ne peut compter sur la Providence pour que les cailles tombent rôties dans sa bouche, doit aménager la nature pour satisfaire ses besoins. Mais en améliorant ses techniques, en consolidant ses connaissances scientifiques (« on ne commande à la nature qu’en lui obéissant », disait F. Bacon), l’homme satisfait mieux et à meilleur compte ses besoins. Et il dégage du temps pour une activité vraiment libre : amour, amitié, recherche scientifique désintéressée, plaisirs corporels (ah la « bombance » que semble détester, -pour la forme, on l’espère pour elle-, Mme Lagarde !), philosophie (mon Dieu, quelle horreur !), art, activité politique, spiritualité…).

Bien sûr tout cela serait perdu pour la « valeur » que vous respectez le plus, Madame, et qui n’est pas la « valeur travail » mais le sacro-saint Profit privé ! Mais rassurez-vous, « l’oisiveté » est loin d’être mère de tous les vices. Déjà dans l’Antiquité, sans ces grands « oisifs » que furent Platon, Euclide, Aristote, Archimède, Diophante, jamais les maths, jamais la démonstration et l’astronomie, fondements de toute la « modernité », n’auraient décollé, puisqu’elles furent inventées non pour des fins utilitaires, encore moins pour gagner de l’argent, mais « pour le plaisir » et par amour de la vérité (difficile à comprendre quand on sort d’HEC, pas vrai ?). Mais il ne faut pas espérer beaucoup de bonne foi en la matière de la part des gouvernants « pragmatiques » qui se succèdent depuis des décennies et qui n’ont de cesse de tailler dans les crédits de la Recherche fondamentale et de l’Ecole (« scholè » veut dire « loisir » en grec ancien, c’est l’équivalent du mot latin « otium », dont le contraire se dit « négotium » et a donné « négoce »…).

Et quand le loisir cultivé, tout aussi opposé au travail exploité qu’aux abrutissants « loisirs » aliénés proposés par Télé-Bouygues et Eurodisney, deviendra le lot commun de l’humanité, la productivité du travail ne baissera pas, elle sera au contraire démultipliée puisque toute la société contribuera directement ou indirectement à la maîtrise consciente de la nature et de l’histoire. C’est ce que dit la phrase mystérieuse de cet individualiste conséquent qu’était Marx, quand il définit le communisme comme la société dans laquelle « le développement de chacun sera la clé du développement de tous ».

Bref, le marxisme n’oppose pas plus « le » travail « au » loisir qu’il n’oppose « l’individu » au « collectif » ; au contraire le marxisme associe le travail exploité au loisir aliéné, qui en est le supplément réparateur et l’opium compensatoire. Symétriquement, Marx associe le travail libre des « producteurs associés », collectivement devenus maîtres des entreprises et de l’administration publique, au loisir créateur d’individus multilatéralement développés, se donnant les moyens éducatifs et culturels de diriger collectivement la société et l’économie, de créer des œuvres d’art, de réinventer l’amour, d’échanger des pensées construites pour chercher ensemble la vérité, bref de construire l’histoire et LEUR histoire en se passant à jamais des Sarko, Lagarde et autre Bernard Arnault.

Et Marx ne se contente pas d’unir « en pensée » ce que Mme Lagarde oppose stérilement dans le but d’opposer inhumainement « celui qui se lève tôt » à celui « pour lequel tous les jours sont dimanche » (heureux chômeurs, érèmistes et autres retraités qui vous gavez d’ortolans et partez chaque week-end sur un yacht à Malte avec votre ami Bolloré !) ? A moins que cette criminalisation proprement fasciste des exclus ne désigne les enfants, si lamentablement entêtés à aller longtemps à l’école au lieu de partir en apprentis-sage pour trois francs six sous, ou les malades, qui « s’écoutent » au lieu d’aller travailler avec la fièvre, ou plus généralement ces fainéants de travailleurs gaulois qui refusent de trimer jusqu’à cent ans comme le font certains de leurs homologues aux « States » !) Que vous êtes humaine, ouverte et compatissante, Mme Lagarde, pour ceux et celles que votre impitoyable système capitaliste prive de travail à coups de délocalisations et de « dégraissages », que vous êtes aimantes envers les retraités qui se sont payés leur retraites en cotisant toute leur vie ! Marx, qui n’est pas idéaliste mais matérialiste, indique le chemin pour associer, non pas à l’occasion d’une anodine dissertation de philosophie scolaire, mais DANS LA VIE, le travailleur actif à son homologue retraité, à l’étudiant en formation, au salarié privé d’emploi, tous membres de la même classe exploitée, quand il écrit avec Engels « prolétaires de tous les pays, unissez-vous » ! Unissez-vous contre les Seilleres, Parisot, Rothschild et autres capitalistes qui ont tout intérêt à appeler « valeur travail » l’exploitation capitalist forcenée, le culte abject du profit-Dieu et la très passéiste revanche patronale sur l’été 36 (congés payés, quarante heures) et sur le printemps 68 !

Et bien sûr cela se nomme… la « lutte des classes ».


2°) Lagarde, exorciste du combat de classe ouvrier, mais grande prêtresse de la guerre civile patronale !
Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Mme Lagarde s’en prend avec virulence à la « lutte des classes qui « n’est plus d’aucune utilité pour comprendre notre société ». Ah ce marxisme, ce communisme, si « morts » et si « périmés » qu’il faut sans cesse les tuer, le re-tuer et les re-re-tuer dans chaque publication universitaire de prestige, dans chaque chronique matinale de France Inter, dans chaque discours ministériel… Ainsi donc Mme Lagarde, il n’y a plus, il n’y aura de lutte entre les « riches » et les « pauvres » en France ? Il n’y a pas d’un côté des gens, à Neuilly par exemple, ou à Monte-Carlo, qui achètent et revendent chaque semaine des appartements que des maçons, qui en construisent tous les jours, ne pourraient même pas louer une semaine en y mettant les économies d’une vie. Il n’y a pas des gens qui « vivent » avec le SMIC ou le RMI sans jamais aller au ciné, sans connaître le restau, sans jamais partir en vacances, tout en se levant tôt chaque matin, comme ces sept millions de travailleurs pauvres récemment répertoriés par un livre qui n’a rien de « marxiste » ? Il n’y a pas des centaines de milliers de gens qui travaillent dur et qui dorment dehors, alors que la spéculation immobilière fait florès ? Il n’y a pas eu DEUX France lors du référendum de 1992 sur Maastricht et lors du référendum du 29 mai 2005, lorsque Neuilly a massivement voté Oui et que le Pas-de-Calais ouvrier a massivement voté Non ? Il n’y a pas eu DEUX France au printemps 2006, quand les étudiants d’origine modeste ont levé le drapeau de la révolte contre le Contrat Patronal d’Esclavage, vite appuyés par des millions d’ouvriers, d’employés, d’enseignants en voie de prolétarisation, de chômeurs… pendant que la France d’en haut, Le Pen et De Villiers en tête, appelait à REPRIMER ces fainéants qui bloquaient les facs, les routes et les lycées en mettant en place ces odieux procédés d’un autre temps, les piquets de grève interdisant aux briseurs de grève d’entrer sur les campus ?

Mais votre indignation contre cette « vieillerie » de la lutte des classes est franchement comique, Mme la ministresse tout droit sortie des conseils d’administration du CAC 40 ! Car que faites-vous au juste dans votre ministère ? Pour payer les énormes cadeaux fiscaux consentis aux contribuables les plus riches, ces « banquiers et hommes d’affaires français » qui ont quitté la France pour ne pas payer leurs impôts, pour financer les « boucliers fiscaux » et la mise en extinction de l’impôt de solidarité sur la fortune, vous allez


- supprimer dix-sept mille postes d’enseignants (17000, pas de faute de frappe !), et autant de postes dans la fonction publique (des infirmières, des sapeurs-pompiers, des éducateurs de rue, des assistantes sociales…) qui jusqu’à preuve du contraire, sont des travailleurs salariés et sont au service des Français les moins fortunés qui ne peuvent se payer dans le privé des services équivalents.


- instaurer une franchise médicale qui obligera prochainement un retraité modeste à PAYER chaque fois qu’il devra, pour soigner ses vieux jours et non pour s’amuser le dimanche, aller chez le généraliste, puis chez le spécialiste, puis chez le pharmacien, puis peut-être à l’hôpital ;


- casser le droit de grève des salariés et des étudiants, le tout (hypocrite !) au nom du « service minimum »… alors que le grand patronat et les milliardaires disposent d’un droit de grève SANS LIMITE puis-qu’ils peuvent délocaliser à leur guise si les ouvriers français veulent conserver leurs pauvres droits, et puisque, au lieu de prendre des mesures contre les MAUVAIS CITOYENS qui fuient la France pour planquer leur magot accumulé sur le dos des salariés, filent à Londres ou à Monaco, vous les suppliez à deux genoux : « revenez, la France ce n’est pas le purgatoire et nous avons besoin de vous ». Votre politique, Mme Lagarde, c’est tout pour les riches, les arrogants, les puissants, ceux qui méprisent la France et ne parlent déjà plus qu’anglais entre eux, et c’est peau de balle pour les prolos (travaillez plus pour que les patrons et les ministres puissent dégraisser davantage !), c’est mort aux agents du service public (ces « paresseux » qui éduquent, soignent, réparent des lignes électriques, retapent des voies ferrées, trient des lettres… mais vous ne savez pas, Mme Lagarde, ce que c’est que le vrai travail qui est pour vous, quoique vous en disiez, une pensée et non une réalité vécue !), c’est mort aux érèmistes, ces « assistés », c’est retraite de plus en plus chiche et de plus en plus tardive pour les vieux travailleurs, c’est répression impitoyable pour les jeunes manifestants anti-CPE condamnés sans pitié à de la taule à18 ans pendant que Mme Sarkozy dispose d’une « carte bleue » pour se goberger aux frais du contribuable !

Bref, au moment où vous niez la lutte de classes, vous la MENEZ, car la lutte de classes, ce n’est pas seulement comme le croient les petits historiens qui n’ont pas lu Marx et les micro-philosophes qui condamnent ce géant sans l’avoir lu, la lutte des exploités contre les exploiteurs : ça, c’est ce qui se voit dans les trop rares périodes de l’histoire où les exploités se dressent contre leurs maîtres et disent « ça suffit » ! Mais le reste du temps, ce n’est pas Spartacus qui se lève contre Crassus, ce sont les exploiteurs qui mènent la lutte, à chaque minute sur la chaîne de l’usine ou sur le mirador installé en haut du chantier pour gagner une part de plus-value supplémentaire sur le temps et la santé de l’ouvrier, de l’employé, du camionneur et de plus en plus, sur le dos du prof, de l’infirmière, et aussi de tant de petits « patrons », salariés inconscients des banques qui possèdent de fait leurs moyens de production : oui, Mme Lagarde, la lutte des classes, vous la menez sans pitié en cassant sous le nom de « rupture », non seulement les acquis de 68 (droit syndical, augmentation du pouvoir d’achat sans augmentation du temps de travail), 45 (nationalisation d’EDF et de Renault, statuts et conventions collectives, Sécu, retraites par répartition, ordonnances progressistes sur la justice des mineurs…), 36 (congés payés, réduction du temps de travail hebdo, augmentations de salaires, prix agricoles garantis…), mais aussi sur les principes républicains de la Révolution bourgeoise démocratique de 89/94 (République une et indivisible détruite par la « décentralisation », laïcité institutionnelle cédant devant les communautarismes, souveraineté nationale sapée par l’intégration euro-capitaliste, souveraineté populaire moquée par le contournement du 29 mai 2005, séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif piétinée par l’omniprésent Sarkozy…).

La seule différence entre vous et Marx, c’est que vous, représentante du grand capital, vous devez dissimuler votre combat de classe, vous devez attaquer les CONCEPTS permettant de la penser, parce que l’aveu public que vous menez la guerre sociale, et potentiellement la « guerre civile » contre les salariés (J. Marseille va jusqu’à en faire l’éloge !), conduirait des millions de Français inconscients qui votent suicidairement pour Sarkozy de Nagy Bocsa, se dresseraient alors contre vous pour vous chasser du pouvoir et mettre enfin en place une démocratie populaire, fondée sur les intérêts de la majorité travailleuse et mettant hors d’état de nuire des parasites qui dirigent notre économie à la dérive. Alors que nous, représentants des travailleurs salariés, nous pouvons faire ce que nous disons et dire ce que nous faisons : nous n’inventons pas la lutte des classes car celle-ci n’a rien d’une « idéologie » (c’est la « collaboration des classes », le prétendu « dialogue social » entre exploiteurs et exploités, qui est un artifice idéologique : n’importe quel salarié de base est à même de constater que lorsque les syndicats se référaient à la lutte des classes, les travailleurs gagnaient, alors que le prétendu dialogue social n’est là que pour couvrir des RECULS sociaux), elle est un fait qui résulte de la nature contradictoire des rapports capitalistes de production qui opposent les intérêts des salariés, surexploités quand ils travaillent, exclus quand il y a crise, à ceux des actionnaires capitalistes, qui gagnent à tous les coups, qu’ils surexploitent les salariés ou qu’ils « revalorisent » leurs actions en licenciant massivement !

Vous êtes même, Madame Lagarde, plus « accro » ou « addicte » que nous, marxistes, à la lutte des classes ; nous, marxistes, nous menons la lutte des classes pour une société sans classes puisque la victoire du prolétariat (dans toute la rigueur de ce mot : ceux qui produisent de la plus value en vendant leur force de travail, qu’ils soient « manuels » ou « intellectuels ») ne sera complète que si les conditions de l’exploitation et de la reconstitu-tion des classes sont définitivement extirpées, bref, si la lutte des classes aboutit à cette société sans classes que Marx nommait le communisme. Une société, soit dit en passant, où l’individu pourra pleinement exister sans être « classé », alors qu’aujourd’hui l’individu n’est le plus souvent que le masque porté par les déterminismes sociaux , qui se présentent à la conscience mystifiée de chacun comme le résultat des « choix » desdits individus ! Alors qu’à l’inverse, le parti des maîtres, dont Mme Lagarde incarne naïvement la pensée de toujours, mène la lutte des classes pour maintenir les classes, donc la lutte des classes (il est aberrant de parler d’égalité républicaine entre les riches et les pauvres puisque l’idée d’égalité entre hommes de classes différentes est une contradiction dans les termes !).

Mais il arrive pourtant à Mme Lagarde ce qui arrive aux Inquisiteurs qui venaient de contraindre Galilée à abjurer la nouvelle astronomie ; ceux-ci, dit-on, entendirent le savant florentin leur murmurer « et pourtant elle tourne » une fois achevée la sinistre cérémonie ! La lutte des classes étant un fait, Mme Lagarde, vous ne pouvez pas la nier, seulement la dénier en paroles : la déformer, la dévoyer, la travestir en fonction de votre objectif : démoraliser la classe laborieuse, la diviser, faciliter la « rupture tranquille » c’est-à-dire l’impossible destruction sans opposition de ce que la réaction appelle le modèle (sic) social-républicain français. Aussi tout votre discours est-il conçu pour diviser les salariés : entre ceux du public et ceux du privé, ceux qui ont un emploi et les bienheureux chômeurs pour lesquels « c’est tous les jours dimanche », les travailleurs manuels et les intellectuels : quand la belette et le petit lapin se disputent, le chat les mange l’un après l’autre : d’abord, prendre appui en apparence sur les travailleurs manuels du privé et sur les retraités abreuvés de discours sécuritaire pour casser les chômeurs, les étudiants et les fonctionnaires ; ensuite le tour des retraités (gare aux pensions de retraite et de réversion !) et des ouvriers du privé, quand le droit de grève des catégories les plus syndiquées (enseignants, cheminots, traminots, électriciens…) sera réduit à néant. Bref, au moment même où Lagarde nie la lutte des classes, elle mène une manœuvre de grand style, celle du populisme, qui consiste à prendre appui sur le « petit peuple », non pour combattre les classes capitalistes, mais pour détruire les acquis des travailleurs les plus syndiqués… avant d’écraser l’ensemble de la classe !


3°) A bas l’intelligence, vive le profit-roi !
Très logiquement, ce festival cynique d’aphorismes lagardiens, aboutit à ce que Platon appelait jadis la « misologie », la haine de la pensée. « La France, a-t-elle regretté, est un pays qui pense ; j’aimerais vous dire, assez pensé maintenant, retroussons nos manches ». Si Mme Lagarde avait de la culture, on pourrait penser qu’elle cite ironiquement Maurice Thorez et son fameux appel de Waziers (45) appelant les mineurs à « retrousser les marches » et à produire le charbon dont la France exsangue avait besoin pour se reconstruire. Mais la comparaison serait mal venue : le même Thorez était alors ministre d’Etat au titre du PCF, le grand parti ouvrier sorti auréolé de son rôle central dans la Résistance armée ; en un an, Thorez mit en place le statut du mineur (garantie de l’emploi, logement et médecin gratuit…) et celui de la fonction publique, pendant que son collègue communiste A. Croizat instituait la Sécu, les comités d’entreprise, les retraites par répartition, les conventions collectives et que le ministre PCF Marcel Paul nationalisait EDF) ; alors cela avait du sens pour les salariés de « retrousser les manches » car le but n’était pas d’enrichir un patronat avide (même si au final les classes dominantes réussirent à pervertir certains acquis et à chasser les ministres communistes sur injonction des USA) ; et jamais Thorez ne s’est permis d’inviter les ouvriers à cesser de « penser » pour « retrousser les manches », il faisait au contraire appel à leur conscience politique pour les appeler à produire. Aujourd’hui, quand un enseignant fera des heures sup, il permettra au ministre de supprimer les postes au CAPES pour les jeunes tentés d’enseigner et ce faisant il « plombera » les comptes de la sécu, il aggravera les déficits des caisses de retraite et il préparera son propre déclassement ; quand un électricien accroîtra sa productivité, il renchérira l’action EDF et augmentera les risques de voir Mme Lagarde précipiter la privatisation de la grande entreprise publique avec, en perspective, la casse des acquis sociaux et du statut des agents EDF, etc… Travailler plus pour dégraisser plus, voilà la perspective tracée par Sarkozy au nom d’un « patriotisme » de pacotille !

Mais surtout, on notera l’attaque incroyable de Mme Lagarde contre la « pensée » (doublée d’une inévitable « vacherie » patronale contre la France « qui pense », car ces gens-là n’ont jamais de mots assez durs contre leur pays, historiquement classé « rebelle » et « mouton noir »). De même le gourou de Mme Lagarde a-t-il sciemment « pipolisé » sa première entrevue télévisée en tant que chef de l’Etat, en l’agrémentant d’attaques contre la pensée, l’intelligence et la théorie (« je ne suis pas un intellectuel », « je ne suis pas un théoricien », « je veux du concret », etc.). Cette horreur de la raison, du concept, de la philosophie et de la pensée est aussi vieille que le règne arrogant de la Bêtise et que la Force : c’est l’attitude misologique du sophiste Calliclès attaquant Socrate au nom de l’aristocratie, celle de la monarchie absolue faisant brûler le Contrat social en place de Grève, celle de Napoléon 1er fustigeant les « idéologues » qui osaient lui résister, celle de Vichy dénigrant les « penseurs de la décadence »… et du Front populaire, etc. Déjà dans ses « Misérables », Victor Hugo avait ridiculisé la réaction du 19ème siècle qui maudissait les philosophes des Lumières, instigateurs de la Révolution : « je suis tombé par terre, chante ironiquement Gavroche, c’est la faute à Voltaire / Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau ! ». De son côté, Politzer dénonçait en 39 l’obscurantisme de la réaction fasciste, celui des franquistes étranglant la République espagnole au cri de « A bas l’intelligence, vive la mort », celle de Goebbels adoptant le slogan « quand j’entends parler de culture, je sors mon revolver », celui du nazi Rosenberg venant dénoncer au Palais Bourbon en 40, devant un autre parlement serf, les « 89 et le Discours de la Méthode !

Car toujours la réaction a redouté plus que tout l’alliance des intellectuels progressistes et des classes populaires, ce « ticket » révolutionnaire gagnant qui associe le prolétariat à la pensée scientifique. Contrairement à la bourgeoisie progressiste des Lumières, la grande bourgeoisie conservatrice s’est référée au fade pragmatisme, qui érige en critère moral unique le « succès », frauduleusement assimilée à la richesse et au pouvoir. Mme Lagarde se plie à l’exercice en amalgamant en douce, sans aucun souci de démonstration (et pour cause : en quoi Mme Bettencourt, l’actionnaire majoritaire de l’Oréal qui perçoit chaque jour des dizaines de millions d’euros sans avoir aucune activité industrielle « travaille-t-elle pour « mériter » son succès ? Elle n’a eu, pour être richissime, qu’ « à se donner la peine de naître » comme eût dit Figaro, avant que ce nom ne désigne le Privilège de naissance fait journal), l’argent et le capital : « on ne peut pas d’un côté encourager le travail, prétend notre grande « travailleuse », et de l’autre surtaxer l’argent gagné », s’exclame-t-elle en toute mauvaise foi, comme si la rente d’un milliardaire capitaliste était accrue par SON travail !

Cette attaque contre la pensée ne doit pas être sous-estimée : elle signifie que l’Union Maastrichtienne Patronale en veut à mort à la « gauche » qui s’est historiquement construite en France, successivement autour des Lumières, d’Hugo, de Jaurès, puis du PCF (naguère le parti d’Aragon, d’Eluard, Langevin, Wallon, Joliot, Picasso…) comme un bloc historique cimentant le mouvement ouvrier à l’intelligence scientifique, notamment sur la grande question de la laïcité. « Construire une école, c’est fermer une prison » déclarait Hugo. Rien d’étonnant à ce que Sarkoléon le Petit, dont l’idéologue en chef J. Marseille admire Badinguet et méprise Hugo, ait adopté le slogan opposé : « supprimons des postes d’instits et de profs, recrutons des CRS et des matons » !

En cela, M. Sarkozy de Nagy-Bocsa, Mme Lagarde (qui n’ont pas dû souvent manier la faucille ou le marteau) sont évidemment d’une mauvaise foi extravagante. C’est en effet Sarkozy dont le Monde nous apprenait il y a peu qu’il faisait référence au philosophe marxiste ( !) Antonio Gramsci pour penser la nouvelle hégémonie culturelle en voie de constitution autour de l’UMP.

Au demeurant, Descartes le faisait remarquer narquoisement : « s’il faut philosopher, alors il faut philosopher ; mais s’il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher ». Car la pensée qu’il ne faut pas penser, pour être contradictoire et proprement folle, est encore une pensée et se moquer de la philosophie, c’est encore philosopher ; mais c’est philosopher mal, absurdement, c’est laisser le système économique « penser » à notre place car au lieu des pensées réfléchies que nous devrions avoir, c’est laisser régner des pensées frustres, non construites, qui sont spontanément celles de la domination sociale et économique. Que les grands bourgeois tirent avantage de cette misologie, c’est l’affaire de ces milieux que Visconti appelait non sans raison les « Damnés ». Mais que les gens du peuple adhèrent à ce discours misologique en entrant dans la démagogie anti-intellectuelle de Sarko, c’est proprement suicidaire pour leur classe. Au contraire des classes dominantes qui n’ont pas nécessairement besoin de penser leur situation de classe pour orienter leurs luttes (l’instinct de classe suffit, de « l’honneur » du noble moyenâgeux à l’avidité bornée du boursicoteur), la classe dominée a besoin d’y voir clair, elle a besoin de la raison, de la théorie, du concept, de la science, de la philosophie, pour s’orienter et défendre ses intérêts. Ce droit à la théorie, à la pensée, à l’école, il lui faut sans cesse l’affirmer et le reconquérir puisque tout est fait pour obscurcir sa vue et que la société bourgeoise met mille entraves à l’accès du peuple à la haute culture artistiques, scientifique et philosophique !

On mesure au passage l’écrasante responsabilité des intellectuels anciennement marxistes du PCF qui ont renié l’idée d’un parti ouvrier d’avant-garde, organisant son intervention pratique à partir d’une analyse théorique, philosophique et scientifique ; le PCF « mutant » et « moderniste » a cessé de former ses militants ouvriers et étudiants aux connaissances qui forment le socle du marxisme ; rejetant le « marxisme-léninisme » dont l’idéologie dominante lui a toujours fait grief, il a préféré exalter le « parti pris des gens » et le spontanéisme ! Cette attitude anti-théorique a détruit les digues mentales qui eussent permis de contenir la vague de populisme fascisant qui déferle sur notre pays avec le renfort du PS, lequel fuit comme d’ordinaire sous les vents mauvais de l’idéologie dominante ; sous la poussée de la « concrète » et « pragmatique » Royal, le PS semble préférer abandonner les « dogmes » socialistes vermoulus que sont l’augmentation du SMIG et la diminution du temps de travail !

Tout cela trouve un aboutissement logique dans l’attaque violente qui se prépare contre l’enseignement de la philosophie en lycée, un enseignement que nos « élites » condamnent comme franco-français (vive l’Europe où l’on enseigne partout les religions dans les lycées publics !), et qu’on voudrait réduire massivement en défigurant la classe de Terminale littéraire (recentrée sur la communication, l’argumentation et la « demande des entreprises ») et sur l’organisation de débats non problématisés ou d’une interdisciplinarité sans contenu rigoureux. Sarkozy ne pourra pas longtemps tolérer en effet un enseignement dans lequel on conceptualise, on s’efforce de démontrer, en refusant les grossières évidences du pragmatisme vulgaire. Raison de plus pour que les philosophes de profession renouent l’alliance rompue par la social-démocratie repue entre la gauche et la classe ouvrière, en commençant par ne plus censurer le marxisme dans leur enseignement !

Au final le discours de Mme Lagarde est profondément révélateur :

- de l’idéologie fascisante du pouvoir UMP : antimarxisme et anticommunisme obsédants (alors que comme chacun sait, « Marx est mort » et que le communisme est recuit), exaltation cynique de la richesse et du pouvoir, discours violemment anti-intellectuel, mépris de fer pour les exclus, haine de la France et de sa tradition universaliste et républicaine : bref, retour en force de Versailles et de Vichy sous le masque de la « modernité » !


- mais aussi de ce que devrait faire une gauche digne de ce nom, un parti vraiment communiste, des socialistes prenant au sérieux leurs références trop souvent décoratives à Jaurès, des gaullistes respectueux de l’héritage de la Résistance. Tout d’abord, cesser de fustiger Marx et Lénine, de ricaner à l’évocation du progrès, des Lumières, de la raison. Cesser de mépriser la « théorie », l’avant-garde, la lutte des idées. Cesser de préférer le clownesque R. Hue à Gramsci, J. Lang à Lafargue, Royal à Louise Michel ou à Clara Zetkin.

–mais aussi, de ce que doit faire la classe ouvrière, la classe la plus avancée politiquement, pour peu qu’elle refuse l’INSULTE pour leur classe que constitue l’adhésion de trop d’ouvriers au discours anti-intellectuel et anti-fonctionnaire de Sarkozy. Camarades ouvriers, vous méritez le meilleur : la sécurité de l’emploi, comme l’ont déjà vos collègues de la fonction publique, et l’accès aux études et à la haute culture pour vos enfants et pour vous-mêmes. Résistez aux joueurs de flûte de l’UMP qui entraînent votre pays vers la honte et le reniement sous les plis usurpés du drapeau tricolore de 1789 et de 1945 !


Par Georges Gastaud, auteur de « Mondialisation capitaliste et projet communiste » et de « Lettre ouverte aux ‘bons Français’ qui assassinent la France » (Temps des cerises).
 






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1 Commentaire

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  • #102039
    Le 16 février 2012 à 13:50 par max
    Sarkozy contre Marx

    "Alors oui, l’ « esprit d’entreprise », aujourd’hui accaparé dans les mots par le patronat (qui a plongé notre pays dans le marasme à force de spéculer et de désindustrialiser le pays, au lieu d’investir et d’entreprendre !), deviendra « la chose du monde la mieux partagée » parce que chacun y aura objectivement intérêt."

    Effectivement, on ne s’étonnera jamais assez du mensonge patronal consistant à masquer les sales manquements aux devoirs du capital (entreprendre, innover, s’adapter à l’exportation, ouvrir de nouveaux marchés) sous la critique hystérique des coûts salariaux ou de la protection sociale.
    Les boites stagnent ou meurent du fait de l’apathie patronale, des erreurs de gestion, du peu d’innovation.
    Sous les mensonges et les accusations détournées, de la mauvaise foi piteuse en somme…
    (...)
    Sinon merci d’avoir dissipé l’énigme d’une chanson aux paroles restées, sur fond d’ignorance honteuse, trop longtemps confuses : " Déjà dans ses « Misérables », Victor Hugo avait ridiculisé la réaction du 19ème siècle qui maudissait les philosophes des Lumières, instigateurs de la Révolution : « je suis tombé par terre, chante ironiquement Gavroche, c’est la faute à Voltaire / Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau !"

     

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